La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 III
Un renforcement de la démocratie
Le Conseil constitutionnel accroît son contrôle en cas d’application de l’article 16
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a donné davantage d’importance au Conseil constitutionnel. En effet, dans le cadre de l’application des mesures exceptionnelles de l’article 16 de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut désormais être saisi après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions de mise en vigueur de l’article 16 demeurent réunies. Le Conseil doit se prononcer dans les délais les plus brefs par un avis public. De plus, le Conseil constitutionnel procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.
La question prioritaire de constitutionnalité
Surtout, l’un des aspects plus techniques mais certainement les plus révolutionnaires de la réforme est la possibilité désormais ouverte pour tout citoyen de soulever l’inconstitutionnalité d’une loi à l’occasion d’une instance en cours :
« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé […] « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision ».
Jusqu’à présent, une loi pour laquelle le Conseil constitutionnel n’avait pas été saisi, pouvait tout à fait avoir été votée, promulguée tout en étant inconstitutionnelle. Le citoyen ne disposait d’aucun véritable recours ; le seul moyen de faire disparaître le caractère inconstitutionnel de la loi était son abrogation, moyen hors de portée d’un citoyen, puisque seul le Parlement pouvait procéder à cette abrogation. La réforme du 23 juillet 2008 aligne ainsi le régime français sur certains de ses homologues, notamment allemand, en accroissant les garanties données aux citoyens.
Dans la continuité du renforcement des droits des citoyens, un « Défenseur des droits des citoyens » avec un pouvoir de contrôle est par ailleurs créé. Il pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public. Il pourra se saisir d’office. Pour certaines missions complexes, il pourra être assisté d’un ou plusieurs collèges. Une loi organique précisera ses attributions et ses modalités d’intervention. Il sera nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable. Cette fonction sera incompatible avec celle de membre du gouvernement ou du Parlement.
La réforme du Conseil supérieur de la magistrature (article 65)
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, précisée par la loi organique du 22 juillet 2010 a modifié la composition du Conseil supérieur de la magistrature « afin de garantir l’indépendance de l’institution et sa nécessaire ouverture ». La conséquence est double :
- Le Président de la République et le garde des sceaux cessent respectivement de présider et de vice-présider l’institution. Désormais, la présidence de chacune des formations du Conseil est confiée au premier président de la Cour de cassation et au procureur général auprès de la Cour.
- La majorité du Conseil est désormais composée de membres n’appartenant pas à la magistrature. La formation plénière est pour sa part composée d’une représentation équilibrée des différents niveaux de la hiérarchie judiciaire. Les attributions du Conseil sont par ailleurs accrues en ce qui concerne les nominations des magistrats du parquet.
Le projet de loi organique met ensuite en œuvre la possibilité pour les justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature d’une demande de poursuites disciplinaires à l’encontre d’un magistrat. Un dispositif de filtrage, assuré par des membres du Conseil supérieur, permet de s’assurer que la plainte n’est pas irrecevable ou manifestement infondée. Cette procédure a pour objet d’éviter que la saisine du CSM ne devienne une voie de contestation systématique des décisions de justice, mais de faire en sorte qu’elle constitue au contraire un droit nouveau, réel et efficace pour les justiciables qui auraient effectivement subi les conséquences du comportement d’un magistrat constitutif d’une faute disciplinaire. La saisine du Conseil supérieur de la magistrature ne constitue pas une cause de récusation du magistrat.