Le pouvoir exécutif
Si le pouvoir exécutif se voit formellement limité dans ses prérogatives, il faut cependant interpréter la réforme de 2008 comme fidèle à l’esprit de la Constitution de 1958 en sauvegardant l’essentiel de l’initiative et du pouvoir à l’exécutif.
Une limitation du nombre de mandats
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a limité à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs (article 6). Ce faisant, on observe que la loi ne fait que sanctionner la pratique réelle sous la Ve République : aucun Président n’a complètement exercé le pouvoir plus de onze ans. De Gaulle a certes été élu mais a démissionné (1958 – 1969) ; François Mitterrand a subi deux cohabitations (1986 – 1988 et 1993 – 1995) et qui ont réduit son exercice réel à dix ans ; de même pour Jacques Chirac (Sept ans d’exercice réel sur douze, de 1995 à 2007, en raison de la cohabitation entre 1997 et 2001). Au-delà de la durée, aucun Président n’a brigué plus de deux mandats.
La limitation à deux mandats consécutifs de cinq ans ne peut donc être interprétée véritablement comme une réduction du pouvoir présidentiel mais plutôt comme une prise en compte de la réalité de son exercice dans le temps.
Une limitation du pouvoir de nomination
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, certains pouvoirs partagés sont encore plus encadrés. Ainsi, une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa de l’article 13 (c’est-à-dire les conseillers d’État, le grand chancelier de la Légion d’honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des Comptes, les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales, tous nommés en Conseil des Ministres),
« Pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ».
Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. On notera que cette limitation ne concerne pas les postes stratégiques tels que les préfets ou directeurs d’administration centrale. Venant opportunément clore une polémique (la nomination du directeur de la Villa Médicis en 2008), cette disposition n’est pas là non plus de nature à remettre en cause la liberté du pouvoir exécutif.
Une limitation des pouvoirs exceptionnels
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a encadré davantage l’application de l’article 16. La réforme a en effet abouti à préciser qu’après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel pouvait être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions de mise en vigueur de l’article 16 demeuraient réunies. Le Conseil doit se prononcer dans les délais les plus brefs par un avis public.
De plus, le Conseil constitutionnel procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. Là encore, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’en l’espace de plus de 50 ans, l’article 16 n’a été appliqué qu’une seule fois (1961) et à l’occasion de circonstances réellement exceptionnelles (le putsch des généraux d’Alger). Encadrer drastiquement le pouvoir exécutif sur l’une de ses prérogatives qu’il n’utilise jamais ne peut être interprété comme une limitation d’envergure.
Une limitation du droit de grâce
Enfin, la révision du 23 juillet 2008 a encadré le droit de grâce (article 17). En effet, la nouvelle formulation de l’article met fin aux grâces collectives et ne permet que les grâces individuelles. Or ces grâces collectives étaient régulièrement mises en cause : à la différence de la loi d’amnistie votée par le Parlement, les grâces collectives étaient « le fait du prince » et dans les faits répondaient à de basses considérations pratiques, à savoir diminuer le nombre de personnes incarcérées dans les prisons surpeuplées.
Le Président de la République nouvellement élu en 2007 ne les avait pas mises en œuvre l’année de son élection. Un an plus tard, la révision constitutionnelle ne fait donc qu’avaliser une orientation déjà appliquée. Il est difficile là encore de soutenir que le pouvoir exécutif subit une limitation de son pouvoir.
Un accroissement de ses prérogatives
Depuis la révision du 23 juillet 2008, le Président de la République peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès (article 18). Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote.