Réforme de la carte judiciaire: Conseil d’État – décision du 19 février 2010
Le Conseil d’État vient définitivement d’entériner la modification de l’implantation des tribunaux de grande instance…à une exception près. Dans sa décision du 19 février (CE n° s 322407 et autres), la Haute Juridiction confirme le bienfondé de la réforme, c’est à dire la suppression d’un certain nombres de tribunaux d’instance et de grande instance. À une exception près, le TGI de Moulins:
« le Conseil d’État a fondé sa décision d’annulation sur la combinaison de plusieurs considérations, prises ensemble : la distance importante séparant Moulins du siège du tribunal de grande instance de Cusset auquel celui de Moulins était rattaché par le décret du 30 octobre 2008 ; la présence, à proximité immédiate de cette commune, d’un établissement pénitentiaire de près de trois cents places comprenant une maison d’arrêt importante et une maison centrale de haute sécurité accueillant de nombreux détenus particulièrement signalés ; la localisation à Moulins, liée à la qualité de chef-lieu de département de cette commune, des autres services de l’État et du conseil général dont le concours est nécessaire au bon fonctionnement du service public de la justice »
Cette décision met un terme aux espoirs de nombre d’élus – les requérants sont notamment des maires – de conserver un semblant de prestige ou un peu d’activité administrative, sur leur territoire.
Elle met aussi un point final à la plus grande réforme d’envergure depuis 1958.
La réforme de la carte judiciaire, encadrée par deux décrets du 15 février 2008 qui fixent le siège et le ressort des tribunaux d’instance et de grande instance ainsi que des juridictions de proximité, n’avait pas manqué de soulever la protestation d’un certain nombre de professionnels. Ces derniers reprochaient à cette réforme, la fin d’une justice de proximité puisqu’un certain nombre de juridictions sont supprimées (suppression qui prendra complètement effet au 1er janvier 2011). Mais la réforme répondait à plusieurs soucis :
- La rationalisation de la justice. Il est sans doute préférable pour des tribunaux de grande instance, appelés à juger des affaires importantes, de faire partie d’un grand pôle juridictionnel dans lequel l’expérience et le nombre des magistrats ne peuvent que bénéficier à une meilleure justice.
- La rationalisation économique. Les frais immobiliers induits par l’entretien de nombreux édifices dont certains ne servent que partiellement (exemple des tribunaux d’instance dont quelques-uns n’accueillent qu’une audience civile par mois) plaidaient en faveur d’une redistribution des implantations.
- L’égalité des citoyens. 50 ans après la dernière grande réforme des tribunaux de grande instance, il devenait urgent de mieux prendre en compte l’évolution de l’urbanisation. La France de 2010 est urbaine : près de 77 % de la population vit à la ville (contre un peu plus de 50 % en 1950). Dans ces conditions, le principe d’égalité exigeait que les citoyens urbains ne fussent pas pénalisés par des délais d’attente trop longs par rapport aux citoyens habitant dans des zones non urbaines. Or, l’implantation des tribunaux n’ayant pas changé depuis 50 ans, il devenait évident que dans des juridictions où le nombre de dossiers est faible les affaires étaient traitées plus rapidement. La réforme devrait permettre de mieux répartir les magistrats afin de répondre à ce souci d’égalité.