
Les annales de droit civil au concours d’inspecteur des finances publiques (IFiP) 2015 comprennent deux sujets obligatoires :
- une composition portant sur le jugement en cassation
- un commentaire d’arrêt portant sur la transmission du nom
Annales IFiP droit civil 2015, Composition
Sujet: faut-il réformer le jugement en cassation ?
La Cour de cassation est le juge du droit, c’est-à-dire qu’elle doit vérifier l’exacte conformité à la loi d’une décision de justice. Le Premier Président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, a chargé, le 19 septembre 2014, l’un de ses présidents de réfléchir à une refonte profonde de la plus haute juridiction judiciaire française. Le rapport d’étape rendu en mai 2015 milite en faveur d’une refonte de la procédure du jugement en cassation.
Trois pistes de réforme peuvent être avancées.
I. Un meilleur filtrage pour en faire une « Cour suprême »
L’idée du rapport est de faire de la plus haute juridiction française « une cour suprême ». Le rapport entend en effet « recentrer la Cour sur sa mission principale de dire le droit » mais aussi « se réapproprier les termes de sa souveraineté juridictionnelle afin de pleinement assumer son rôle de cour suprême ». Or deux obstacles se dressent.
Le premier est que la Cour de cassation s’est éloignée de sa vocation originelle qui était d’unifier et dire le droit. En effet, au fil du temps et de l’augmentation du nombre de pourvois, elle a fini par avoir une simple mission de contrôle systématique des décisions des juridictions de fond. Actuellement, la Cour de cassation examine tous les pourvois, soit 30 000 par an, dont 80 % ne donnent pas lieu à cassation. De ce point de vue, la Cour est une exception européenne (avec laCour de cassation italienne qui rend plus de 80 000 arrêts par an). Par comparaison, la « Supreme Court » du Royaume-Uni ne traite qu’une centaine d’affaires par an, la Cour fédérale de justice allemande ou le Tribunal de cassation espagnol, une dizaine de milliers.
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Annales IFiP droit civil 2015, Commentaire d’arrêt, 8 octobre 2008, n° 940
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu que M. de X… et Mme Y… se sont mariés le 10 mars 1962 sous le régime légal et ont divorcé le 11 janvier 2000 ; qu’un jugement du 13 février 2003 a statué sur les difficultés relatives à la liquidation et au partage de la communauté conjugale ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt attaqué (Lyon, 22 février 2005) de rejeter sa demande tendant à ce que M. de X… soit tenu d’une récompense envers la communauté, à raison de primes d’assurance-vie, alors, selon le moyen :
1°/ que les premiers juges avaient constaté que la communauté avait réglé, dans l’intérêt de M. de X…, diverses primes d’assurance aux termes d’un contrat dont il était le seul bénéficiaire (jugement, p. 5, § 1er) ; que, sans contester que des primes avaient été payées au titre du contrat d’assurance-vie souscrit, le mari objectait seulement qu’au titre de l’assurance-vie, la communauté avait perçu, un an avant l’assignation en divorce, une somme de 84 940 francs soit 12 949 euros ; qu’en relevant d’office l’absence de paiement par la communauté, sans rouvrir les débats pour permettre à Mme Y… de s’expliquer, les juges du fond ont violé l’article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l’époux qui a souscrit un contrat d’assurance-vie au profit d’une personne désignée par ses soins est redevable, de ce seul fait, d’une récompense envers la communauté à concurrence des primes qui ont été ainsi acquittées ; qu’en se référant à un critère lié au caractère excessif ou non des primes, qui était inopérant, les juges du fond ont violé les articles 1416 et 1437 du code civil, ensemble les articles L. 132-13 et L. 132-16 du code des assurances ;
Mais attendu qu’il résulte des constatations des juges du fond et des productions que le contrat d’assurance-vie souscrit par M. de X… à son propre profit a donné lieu au versement d’un capital le 14 mars 1996, soit près d’un an avant l’assignation en divorce ; que ce capital étant tombé en communauté, il n’y avait pas lieu à récompense au profit de celle-ci du chef des primes payées avec des fonds communs ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme Y… fait encore grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. de X… une somme de 24 950,22 euros, alors, selon le moyen, que lorsque l’un des époux a acquitté, avant la dissolution de la communauté, une somme due par la communauté, il a simplement droit à récompense en application des articles 1433 et 1468 et suivants du code civil ; que si au contraire il acquitte la somme due postérieurement à la dissolution de a communauté, il a droit à une indemnité dans le cadre de l’indivision ; qu’au cas d’espèce, les juges du fond ont estimé que le mari avait acquitté des dettes communes ; qu’en s’abstenant de dire si ces paiements étaient antérieurs ou non à la dissolution de la communauté et si, par suite, il était assujetti aux règles relatives aux récompenses ou si, au contraire, il pouvait prétendre à une indemnité, les juges du fond ont violé les articles 1433 et 1468 et suivants du code civil, ensemble l’article 815-13 du même code ;
Mais attendu que les juges du fond ont bien distingué dans leurs motifs, d’une part, le compte de récompenses, d’autre part, les comptes de l’indivision post-communautaire relatifs notamment aux dettes communes que M. de X… prétendait avoir réglé postérieurement à l’assignation en divorce ; que le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que Mme Y… fait le même grief à l’arrêt attaqué, alors, selon le moyen, que lorsque l’époux commet une faute et que cette faute est à l’origine d’un préjudice, l’époux doit réparer le préjudice causé à la communauté ; qu’en s’abstenant de rechercher si la créance de réparation née au profit de la communauté, à raison de la faute de M. de X…, pour avoir poursuivi l’exploitation dans des conditions illicites, ne se compensait pas avec la récompense éventuellement due à M. de X…, au titre des paiements effectués dans le cadre de la poursuite de l’exploitation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1382, 1421,1433 et 1468 du code civil ;
Mais attendu que les juges d’appel, qui ont débouté Mme Y… de sa demande tendant à voir constater que M. de X… avait commis des fautes de gestion, n’ont pas constaté l’existence d’une créance de réparation née au profit de la communauté, qu’ils n’avaient donc pas à effectuer la recherche qu’il leur est reproché d’avoir omise ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que Mme Y… fait enfin le même reproche à l’arrêt, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d’appel, Mme Y… avait fait valoir que l’appartement litigieux avait fait l’objet d’un prêt à usage par les deux époux au profit de leur fille, Mme Nathalie de X…, et que dès lors, aucune indemnité d’occupation n’était due par Mme Y… ; qu’en s’abstenant de rechercher si, à supposer même que Mme Y… ait pu se trouver dans l’appartement, le prêt à usage ne faisait pas obstacle à toute indemnité d’occupation à la charge de Mme Y…, sachant qu’une personne disposant d’un local est légalement en droit d’héberger ses proches (conclusions du 15 juin 2004, p. 9 et 10), les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 815-9 et 1975 du code civil, ensemble au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d’appel a souverainement estimé qu’il résultait des pièces versées que Mme Y… avait occupé l’appartement commun de Valras du 5 mars 1997, date de l’assignation en divorce, au 7 juillet 2000, date de la vente de l’immeuble, qu’elle en a justement déduit que Mme Y… était redevable d’une indemnité d’occupation dont elle a fixé le montant ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y… aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille huit.
Annales IFiP droit civil 2015, Corrigé du commentaire d’arrêt
Les faits
Un jugement du 23 avril 2005 prononce l’adoption de L. X, né le 14 avril 1967, par Y. L’acte de mariage et l’acte de naissance de L. X sont modifiés. L.X s’est marié le 25 septembre 1993 et a eu trois enfants. L. X devenu L. X-Y en 2005 saisit alors le tribunal de grande instance le 16 juin 2006 afin de faire conserver à ses enfants, leur nom d’origine, soit X.
La procédure
Le jugement de première instance et la cour d’appel rejettent cette prétention le 24 avril 2007. Le requérant, L.X-Y forme alors un pourvoi en cassation, le 14 juin, mais ne signifie l’arrêt attaqué que par un second pourvoi le 30 août 2007.
La question de droit
L’adoption simple d’un majeur entraîne-t-elle de manière irrévocable le changement de nom de ses propres enfants ?
La solution
La Cour de cassation donne deux fois torts au requérant : il a formé son pourvoi en dehors du délai imparti, faute de l’avoir signifié dans les temps (II). Sur le fond, sa propre procédure d’adoption à l’origine du changement de nom de L. X en L. X-Y, alors que ses enfants étaient mineurs de moins de 13 ans, entraînait également le changement de nom de ces derniers (I).
I. Les conséquences de l’adoption sur le nom
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Pour aller plus loin