
Les annales de droit civil au concours d’inspecteur des finances publiques (IFiP) 2019 comprennent deux sujets obligatoires :
- une composition portant sur la procédure civile
- un commentaire d’arrêt portant sur la communauté de vie
Annales IFiP droit civil 2019, Composition
Annales IFiP droit civil 2019, Sujet « les conditions d’existence de l’action en justice : l’intérêt à agir et la qualité à agir »
L’action en justice est définie à l’article 30 du Code de procédure civile :
« L’action est le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l’adversaire, l’action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention ».
Les conditions pour exercer une action en justice sont l’intérêt (art. 31), la qualité à agir et la capacité juridique.
I. L’intérêt à agir
L’action en justice est ouverte à toute personne qui y a intérêt (art. 31 du CPC) selon l’adage « pas d’intérêt, pas d’action ».
L’intérêt à agir doit être né et actuel, c’est-à-dire qu’il doit exister au jour où la personne agit en justice et ne pas être simplement éventuel. Partant il doit s’agir d’un intérêt non prescrit. L’action en justice (réelle et personnelle) se prescrit par cinq ans depuis la loi du 17 juin 2008 (contre trente ans auparavant ; art. 2224 du Code civil).
L’intérêt doit également être positif et concret. C’est-à-dire que l’intérêt doit être suffisant pour justifier une action devant le juge, qu’il s’agisse de protéger un intérêt moral ou matériel, notamment un intérêt financier.
L’intérêt doit être légitime. Initialement l’intérêt légitime à agir signifiait l’existence d’un intérêt qui ne soit pas contraire aux bonnes mœurs ni à l’ordre public. L’évolution de la notion de bonnes mœurs a rendu large la notion d’intérêt légitime.
Enfin, l’intérêt doit être direct et personnel. L’action en justice suppose que le demandeur ait un intérêt qui lui profite à titre personnel, ce que résume l’adage « nul ne plaide par procureur ». Si le juge estime que l’intérêt à agir est infondé, il peut prononcer une fin de non-recevoir en rejetant l’action du justiciable.
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Annales IFiP droit civil 2019, Commentaire d’arrêt
Annales IFiP droit civil 2019, Cass. Civ. 12 février 2014
Chambre civile 1, 12 février 2014,
13-13.873, Publié au bulletin.
Cassation
M. Charruault, président
Mme Bignon, conseiller apporteur
M. Chevalier, avocat général
Me Spinosi, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 21-2, 108 et 215 du code civil ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, de nationalité algérienne, s’est mariée le 5 mars 2005 avec M. Y…, de nationalité française ; que le 12 juin 2009, Mme X… a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du code civil, en sa qualité de conjoint d’un ressortissant français, qui a été rejetée le 3 novembre 2009 au motif que la preuve de la communauté de vie tant matérielle qu’affective des deux époux n’était pas établie, l’épouse travaillant en région parisienne alors que son mari habite dans la Creuse ; que par acte délivré le 28 avril 2010, M. et Mme Y… ont assigné le ministère public aux fins de contester le refus d’enregistrement de la déclaration de l’épouse ;
Attendu que, pour constater l’extranéité de Mme X…, l’arrêt retient que les époux n’ont plus habité ensemble depuis le 24 avril 2006, date de prise de fonctions de la femme en région parisienne, le mari restant vivre dans la Creuse, que les époux ont choisi de vivre séparés la plupart du temps et ont accepté ce mode de vie résultant selon eux de l’impossibilité de trouver un travail à proximité, mais que cette pratique ne correspond pas à la communauté de vie « tant affective que matérielle » et ininterrompue exigée par la loi, distincte de la seule obligation mutuelle du mariage ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, pour des motifs d’ordre professionnel, les époux peuvent avoir un domicile distinct, sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme X… et M. Y.…
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir constaté l’extranéité de Madame X…, épouse Y…, et ordonné, en conséquence, la mention de l’article 28 du code civil ;
Aux motifs que, « L’article 215 du code civil, placé par le législateur au sein des « devoirs et des droits respectifs des époux », stipule qu’ils s’obligent mutuellement à une communauté de vie, sans définir davantage cette « communauté de vie ». Les intimés font exactement valoir que la jurisprudence relative au mariage aborde cette notion de façon extensive. Et l’article 108 du code civil admet que deux époux aient des domiciles distincts « sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie ». Cela tient à cette absence de définition ainsi qu’au caractère mutuel de l’obligation de cohabitation.
Une telle jurisprudence extensive ne peut être appliquée à l’article 21-2 du code civil, pas davantage que l’article 108 ne peut lui être opposé, et il n’existe entre ces deux textes aucune contrariété.
En effet, le mariage avec une personne de nationalité française n’entraîne pas, à lui seul, la nationalité française.
L’article 21-2 du code civil, qui édicte un délai d’attente de quatre ans, soumet cette acquisition à deux conditions :
– d’une part la conservation par le conjoint français de sa nationalité,
– d’autre part l’existence « d’une communauté de vie tant affective que matérielle » ininterrompue depuis le mariage.
Il appartient donc au juge, statuant en matière de nationalité à raison du mariage, de vérifier non seulement l’existence du mariage pendant le délai d’attente mais encore l’existence de cette « communauté de vie tant affective que matérielle » ininterrompue, imposée par la loi et non pas résultant de l’obligation mutuelle des époux.
Annales IFiP droit civil 2019,Corrigé
Les faits
Mme X…, de nationalité algérienne, s’est mariée le 5 mars 2005 avec M. Y…, de nationalité française. Le 12 juin 2009, Mme X… fait une demande de nationalité française sur le fondement de l’article 21-2 du Code civil, en sa qualité de conjoint d’un ressortissant français. Pour rappel, cette disposition du Code permet à un ressortissant étranger, marié à un ressortissant français de demander la nationalité française au terme de quatre ans de mariage.
Cette demande est rejetée le 3 novembre 2009 au motif que la preuve de la communauté de vie tant matérielle qu’affective des deux époux n’est pas établie. De fait, l’épouse travaille en région parisienne alors que son mari habite dans la Creuse.
La procédure
Les époux saisissent la juridiction compétente, dont le jugement fait l’objet d’un appel et par l’arrêt rendu le 8 janvier 2013 par la cour d’appel de Bordeaux, la décision de rejet est confirmée. Les époux se pourvoient en cassation.
La question de droit
Les dispositions relatives à l’acquisition de la nationalité française posées par l’article 21-2 du Code civil excluent-ils l’application de l’article 108 du même Code qui permet de dissocier communauté de vie et domicile ? Autrement dit, la communauté de vie, comme condition de validité d’octroi de la nationalité française, implique-t-elle la cohabitation des époux ?
La solution
Les époux peuvent avoir un domicile distinct, sans qu’il soit pour autant porté atteinte à la communauté de vie.
I. Les composantes de la communauté de vie
La communauté de vie est une condition du mariage (A) qui ne se réduit pas à la simple cohabitation physique (B).
A. La communauté de vie est une condition du mariage…
La communauté de vie constitue l’une des obligations des époux. Elle comporte deux volets.
Le premier aspect est la communauté matérielle, notamment l’obligation d’une résidence commune. L’article 215 du Code civil expose :
« Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie.
La résidence de la famille est au lieu qu’ils choisissent d’un commun accord.
Les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ».
La doctrine a considéré un temps que la communauté de vie impliquait la cohabitation physique, c’est-à-dire une « communauté de toit ». De fait, la cohabitation permet toujours de prouver plus facilement la communauté. Elle permet de détecter rapidement les fraudes concernant des mariages simulés dont le but est précisément l’obtention d’avantages, telle que la nationalité française.
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Pour aller plus loin