La culture générale aux concours de la fonction publique
Quelques concours conservent pour quelque temps encore son épreuve de culture générale, là où la plupart des autres concours l’ont supprimée.
Traitons un exemple de sujet, déjà proposé et qui plus est intéressant pour une fois: le voyage aujourd’hui.
1° Lire le sujet
C’est-à-dire analyser le sujet, comprendre ses différentes facettes. Si le sujet ne pose pas de difficultés, il est cependant vaste. La première étape consiste donc à recenser les différentes pistes, les différentes acceptions du terme de voyage et bien sûr à se poser les questions “qui ?” “quoi ?” “comment ?” “pourquoi ?”; la question “quand” est quant à elle réglée par le libellé du sujet.
Qui voyage ? Les touristes, les aventuriers, les marchands (on appelle cela hommes d’affaires aujourd’hui…). Mais aussi dans un registre plus tragique, les exilés (les révolutions de jasmin actuellement en cours nous le rappellent); dans un registre plus pastoral, les rares peuples encore nomades (on pourrait citer le film Himalaya d’il y a quelques années)
Quoi ? Que représente le tourisme autrement dit ? On ne demande pas aux candidats de disposer d’une culture encyclopédique sur un tel sujet mais à tout le moins de quelques idées et connaissances. Il est ainsi bienvenu de savoir que la France est la première destination touristique mondiale, sur le plan du nombre de visiteurs (pas sur le montant des dépenses). Environ 80 millions chaque année.
Comment ? Le voyage suppose de s’intéresser aux moyens de transport et au rapport entre tourisme de masse et nouveaux moyens de locomotion abordables pour tous.
Pourquoi ? Pourquoi voyageons-nous ? Pour les marchands, la réponse est assez évidente; mais il est nécessaire de parler un peu de la mondialisation qui est un facteur important de l’augmentation du trafic de marchandises et de touristes. Pour les aventuriers, l’exotisme et la recherche de l’ailleurs: sur ce point, on pourra développer l’idée bien rebattue maintenant que la Terre est devenue un “village” et par conséquent la notion d’aventure se rétrécit.
Pour les plus littéraires, on pensera déjà à citer Ernst Jünger qui bien avant le tourisme de masse avait développé cette idée “d’exil intérieur”; pour les plus nostalgiques, rêveurs ou véritables baroudeurs, Nicolas Bouvier, contemporain décédé mais certainement méconnu pourrait être également une référence pour illustrer le revers du voyage d’agrément touristique et développer l’idée que le voyage devrait transformer le voyageur et non seulement le repaître de belles images.
Voilà pour l’étape d’approche. On retiendra déjà que la notion de voyage n’est donc pas univoque: elle se décline certes d’abord sur le thème sympathique d’un ailleurs, d’un paradis perdu, d’un loisir; mais également sur le thème plus tragique de la nécessité politique ou économique.
2° Mettre toutes ses idées sur le papier
C’est le bouillonnement; pour les snobs amateurs d’anglicismes le “brainstorming”. On met par écrit toutes les idées qui viennent, incongrues ou pertinentes.
Pour les exemples, pèle-mêle:
- Les grandes découvertes du XVIe siècle (Amériques) et XIXe (Afrique) mais comme le sujet précise “aujourd’hui”, pourquoi ne pas parler de la conquête spatiale ? C’est un voyage, voire Le Voyage dont rêvait déjà Cyrano (l’auteur réel) porteur de rencontre du 3e type…
- L’Iliade et l’Odyssée d’Homère peut être le prétexte à une longue analyse sur la fonction initiatique du voyage: Ulysse devra pendant 10 ans affronter épreuves sur épreuves avant de pouvoir revenir dans son Ithaque natale. Il devra déjouer tous les pièges tendus par des dieux vengeurs et voir chacun de ses compagnons mourir tour à tour. L’ Odyssée peut être lue comme la métaphore de la vie où l’on perd au fur et à mesure les proches ou les illusions, où l’on doit affronter sans cesse de nouvelles épreuves.
- Les voyageurs célèbres gagneraient certainement à être cités: parmi eux, Érasme, symbole de l’humaniste à la Renaissance, voyageur reçu dans toutes les cours européennes. Voyage égale ici ouverture au monde, découverte d’autres cultures européennes.
Pour les idées:
- Le voyage est devenu aujourd’hui un loisir de masse; on peut associer le thème de la société de consommation, le voyage est un signe extérieur de richesses (plus le voyage est loin, plus on montre qu’on est riche). Le voyage est aussi une conquête: on peut y associer les premiers départs en vacances de la classe ouvrière en 1936 avec l’obtention des premiers congés payés (15 jours seulement à l’époque…). De là, le voyage acquiert une dimension économique, déjà aperçue précédemment: pour la France, les 80 millions de touristes représentent plus de 10 milliards de recettes, soit le 2ème poste excédentaire de la balance des paiements, juste derrière l’automobile (les chiffres datent un peu).Au 1er janvier 2004, on dénombrait plus de 228 000 entreprises exerçant leur activité parmi les activités caractéristiques du tourisme. Près de 84 % de ces entreprises appartenaient au secteur des hôtels, cafés et restaurants. Au total, le tourisme emploie près d’un million de personnes.
- Le voyage est un facteur d’ouverture au monde et de découverte. Le voyage dans son pays comme en dehors est une forme d’éducation. Au XIXe siècle et toujours aujourd’hui, une partie des familles anglaises permettent ainsi au jeune fraichement diplômé de partir plusieurs mois avant de revenir pour travailler, le voyage étant ainsi la transition entre l’université et le travail à vie, la dernière distraction avant la “vie sérieuse”, la découverte avant une existence peut-être casanière. Ce voyage est appelé “le grand tour”. Dans le même ordre d’idée, le programme Erasmus, qui a permis à de nombreux étudiants européens d’étudier dans une université étrangère s’inscrit dans le sujet.
- Le voyage peut être un mode de vie (pour les nomades) ou une nécessité (pour les exilés politiques).
- Le voyage a des retombées négatives sur l’environnement (sites pollués, coût énergétique du transport).
- Le voyage est devenu une simple pratique commerciale, avec des circuits standardisés, une dimension presque industrielle (l’imprévu n’y a pas sa place).
3° Organiser les idées
Naturellement, sur un tel sujet, les exemples et les idées ne manquent pas. Le but ici n’est pas de multiplier les références, mais montrer comment à partir de quelques exemples et idées, on peut bâtir un plan.
En l’espèce, un plan pour/contre s’impose: il permettra d’étudier les aspects positifs et négatifs du sujet.
Globalement, une grande partie des idées tournent autour de l’évasion (découverte d’un paysage, d’une culture, de l’Autre) tandis que d’autres vont traiter de la dérive. D’où un plan en deux parties:
1. d’une fonction d’évasion…
2° … au désenchantement.
Dans la première partie, il conviendra de traiter la connaissance de soi par le voyage (on pourra citer Montaigne et son chapitre consacré aux cannibales: le relativisme culturel y est expliqué très simplement, ce que nous estimons être des usages barbares, ce sont souvent des usages qui ne sont pas les nôtres…) et la dimension de bien-être du voyage. Dans la seconde partie, le désenchantement sera étudié au travers de la dimension économique du voyage et ses impacts sur l’environnement.
Pour aller plus loin
Préparer l’épreuve de culture générale avec nous ?
Pourquoi ne pas s’intéresser à la compréhension des œuvres ?