
Les annales de l’option droit civil au concours d’inspecteur des finances publiques (IFiP) 2021 comprennent deux sujets obligatoires :
- Une composition sur l’action de groupe
- Un commentaire d’arrêt sur les charges du mariage
Annales IFiP Droit civil 2021, Composition
L’action de groupe
L’action de groupe permet à des consommateurs, victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel, de se regrouper et d’agir en justice. Elle a été introduite en France par la loi du 17 mars 2014 (« Loi Hamon ») relative à la consommation. Elle peut être analysée comme la traduction d’une pratique anglo-saxonne bien rodée, la « class action » qui existe depuis les années 1960. Il s’agit d’une procédure de poursuite collective qui permet à des consommateurs, victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel, de se regrouper et d’agir en justice.
Il faut à ce stade distinguer deux procédures : l’action collective et l’action de groupe.
§ L’action collective en justice est gérée par un seul avocat. S’il s’agit d’une défense groupée, plusieurs procédures individuelles distinctes sont déclenchées simultanément. Chaque plaignant agit ainsi de manière autonome même s’il a le même avocat que les autres requérants. Le plaignant peut donc individuellement conclure un accord amiable avec la partie adverse.
§ L’action de groupe est une action qui doit être déclenchée par une association ou un syndicat au nom de plusieurs victimes d’un même préjudice. Par conséquent, les plaignants ne disposent d’aucune autonomie pour transiger à titre individuel. Le préjudice n’est pas reconnu à titre individuel mais collectif et la réparation financière dépend de la décision du tribunal.
I. Un renforcement du droit des consommateurs…
Le législateur entend mieux protéger le consommateur au travers de conditions peu restrictives (A) et d’un champ d’application élargi (B).
A. Les conditions de l’action de groupe
§ Une action de groupe nécessite au moins deux consommateurs ayant subi un préjudice résultant du même manquement d’un professionnel.
§ L’action doit être introduite en justice par une association agréée.
§ L’action de groupe ne peut réparer qu’un préjudice matériel dans le domaine de la consommation.
Suite réservée à nos stagiaires…
Annales IFiP Droit civil 2021, Commentaire d’arrêt, Cass. Civ. 18 novembre 2020
Vous commenterez l’arrêt suivant de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 novembre 2020, 19-15.353, Publié au bulletin.
Cour de cassation – Chambre civile 1
• N° de pourvoi : 19-15.353
• ECLI:FR:CCASS:2020:C100712
• Publié au bulletin
• Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 18 novembre 2020
Décision attaquée : Cour d’appel de Nîmes, du 20 février 2019
M. K… W…, domicilié […], a formé le pourvoi n° F 19-15.353 contre l’arrêt rendu le 20 février 2019 par la cour d’appel de Nîmes (3e chambre famille), dans le litige l’opposant à Mme S… M…, épouse W…, domiciliée […], défenderesse à la cassation.
Mme M… a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Buat-Ménard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. W…, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme M…, et l’avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du29 septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Buat-Ménard, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M.Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
La première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 20 février 2019), un jugement a prononcé le divorce de M. W.… et de Mme M.…, mariés sous le régime de la séparation de biens. Des difficultés sont nées pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
2. M. W… fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement de la somme de 74 723,19 euros à Mme M… au titre d’une créance entre époux, alors « que le caractère irréfragable de la présomption de contribution aux charges du mariage, au jour le jour, instituée par le contrat de mariage, interdit aux époux de prouver que l’un ou l’autre d’entre eux ne se serait pas acquitté de son obligation ;qu’il en résulte qu’un époux ne peut se prétendre créancier de l’autre au titre du remboursement d’un emprunt bancaire contracté pour la construction du logement familial, lequel participe de l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motifs pris que le caractère irréfragable de cette clause n’interdit pas à un époux de faire la démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés contributives » et que si la sur-contribution est démontrée, elle a pour effet de rendre la clause inefficace », la cour d’appel a violé l’article 214 du code civil, ensemble l’article 1537 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 214 et 1537 du code civil :
3. Il résulte de ces textes que lorsque les juges du fond ont souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu’ils contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seraient assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre, un époux ne peut, au soutien d’une demande de créance, être admis à prouver l’insuffisance de la participation de son conjoint aux charges du mariage pas plus que l’excès de sa propre contribution.
4. Pour accueillir la demande de Mme M… tendant à se voir reconnaître titulaire d’une créance au titre du financement par des deniers personnels de la construction d’un immeuble ayant constitué par la suite le domicile conjugal, et ce, sur un terrain appartenant à son mari, après avoir relevé que le contrat de mariage des époux prévoit qu’ils contribueront aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre, l’arrêt retient, d’une part, que le caractère irréfragable de cette clause, dont se prévaut M. W…, n’interdit pas à un époux de faire la démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés contributives, d’autre part, que si la sur-contribution est démontrée, elle a pour effet de rendre la clause inefficace.
5. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. […]
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. W.… au paiement de la somme de 74 723,19 euros à Mme M.… au titre d’une créance entre époux et rejette la demande de prestation compensatoire de Mme M.…, l’arrêt rendu le 20 février 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;
Condamne Mme M.… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.
Annales IFiP Droit civil 2021, Corrigé du commentaire d’arrêt
Faits
M. K. W. et Mme S. M. se sont mariés sous le régime de séparation de biens. Ils divorcent.
Procédure
M. K.W. est condamné par la cour d’appel de Nîmes à payer une somme d’argent correspondant à une créance entre époux. Or selon lui, il existe une présomption irréfragable de contribution aux charges du mariage qui interdit aux époux de prouver que l’un d’entre eux ne se serait pas acquitté de son obligation.
Pour K.W., son épouse ne peut donc se prétendre créancière d’un remboursement d’emprunt bancaire contracté pour le logement familial. Mais pour la cour d’appel, la présomption irréfragable peut être écartée dès lors que l’époux peut démontrer que sa participation a excédé ses facultés contributives. C’est dans ces conditions que M. K.W se pourvoit en cassation.
Question de droit
La participation aux charges du mariage est-elle une présomption irréfragable ?
Solution
La Cour de cassation retient que la contribution aux charges du mariage, au jour le jour, instituée par le contrat de mariage sous le régime de séparation de biens, interdit aux époux de prouver que l’un ou l’autre d’entre eux ne se serait pas acquitté de son obligation : la présomption est irréfragable.
La haute juridiction rappelle le choix du régime matrimonial (I) et partant, l’obligation d’appliquer le caractère irréfragable à la clause de contribution aux charges communes (II).
I. « Pacta sunt servanda » : L’application stricte du régime matrimonial choisi par les époux
La Cour de Cassation s’épargne le rappel du régime matrimonial de séparation de biens (A) pour n’évoquer que ses conséquences applicables au cas d’espèce (B).
A. Le rappel tacite du régime de séparation de biens
Dans le régime matrimonial de séparation des biens, chacun est responsable et propriétaire des biens, meubles comme immeubles, qu’il a acquis, que ce soit avant ou pendant la période de vie du couple. Il a ainsi tous les droits sur ses biens, par exemple celui de les vendre sans demander son avis à son conjoint (sauf la résidence principale).
La séparation des biens permet de garder une certaine indépendance financière vis-à-vis du conjoint. Cela permet de gérer son argent en toute indépendance, comme avant son mariage. Pour les entrepreneurs, cela assure que les créanciers ne pourront pas toucher au patrimoine du reste de la famille. Et cela clarifie les choses en cas de divorce. Dans les familles recomposées, cela permet aussi de clarifier les patrimoines de chacun et de protéger les intérêts des enfants issus de précédentes unions.
Une fois le mariage prononcé et le contrat de mariage avec séparation de biens établi, tous les biens qui seront achetés par le couple devront être attribués précisément à l’un ou l’autre de ses membres. Chacun d’eux sera propriétaire exclusif du bien qu’il aura acheté.
Certains biens qui appartiennent au ménage nécessitent cependant une solidarité des membres du couple : c’est notamment le cas du logement familial et des dépenses liées à l’éducation des enfants. Il est ainsi possible d’intégrer, dans ce contrat de séparation de biens, une clause de mise en commun (société d’acquêts) de certains biens, dont le logement familial. Mais en cas de divorce, il faut que l’acte de vente indique clairement la contribution de chacun à l’acquisition du bien : le montant de l’apport et la quote-part dans le remboursement du crédit immobilier.
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Pour aller plus loin