
Les annales de l’option droit public au concours d’inspecteur des finances publiques (IFiP) 2021 comprennent deux sujets obligatoires:
- une composition relative à la responsabilité de l’Administration
- un commentaire d’arrêt relatif aux ordonnances
Annales IFiP Droit public 2021, Composition,
La responsabilité de l’Administration
La responsabilité administrative est recherchée dès lors qu’une personne physique ou morale a subi un préjudice qui peut être imputée à une entité publique ou une personne agissant dans le cadre d’une mission de service public. En tant que victime, elle a droit à une indemnisation qu’il y ait eu une faute ou non de la part de l’administration.
Ce principe de la reconnaissance de la responsabilité de l’Administration apparaît pour la première fois en jurisprudence dans l’arrêt Blanco (T.C. 8 février 1873, Blanco). Cette décision reste d’actualité en ce qu’elle affirme que la responsabilité de la puissance publique n’est pas absolue, mais en revanche, la limitation de la responsabilité de l’Administration, induite par l’arrêt Blanco n’est plus valable, le principe d’une responsabilité générale tend en effet à s’imposer.
La responsabilité de l’Administration suppose le périmètre de celle-ci (I), les faits générateurs de la responsabilité (II) et les conditions de mise en œuvre (III).
I. Les règles de compétence
I.1. Compétence des tribunaux judiciaires
Relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires :
I.1.1. Les organismes privés gérant une activité industrielle ou commerciale
La jurisprudence (T.C. 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain, décision dite « Bac d’Eloka »), affirme qu’en l’absence d’un texte spécial attribuant compétence à la juridiction administrative, il revient à l’autorité judiciaire de connaître de la responsabilité d’un service exploité dans les mêmes conditions que des activités des particuliers.
En principe, relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires, les organismes privés gérant un service public administratif ou chargés d’une mission d’intérêt général. Par exception, le juge administratif est compétent pour statuer sur la responsabilité de ces organismes dès lors que les dommages causés sont liés à l’exercice de prérogatives de puissance publique.
I.2. La responsabilité de l’État
La responsabilité de l’État peut être engagée à raison d’un dommage commis à l’occasion de l’exercice :
De ses fonctions législatives. Le Conseil d’État l’a principalement affirmé dans une décision de 1938 (C.E. 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers « La Fleurette »; C.E., 22 février 1963, Commune de Gavarnie),
De ses fonctions juridictionnelles. En matière administrative, le Conseil d’État peut reconnaître un droit à réparation, mais uniquement en cas de faute lourde de la justice administrative et en excluant par avance toute faute qui serait née du contenu même des décisions (C.E. 29 décembre 1978, Darmont).
De ses fonctions exécutives. Les actes de gouvernement sont en principe insusceptibles d’ouvrir droit à réparation (CE, 3 octobre 2018, Tamazount). Cependant, le juge peut parfois condamner l’État à réparer les dommages causés par des actes de gouvernement. C’est le sens de la décision Compagnie générale d’énergie radioélectrique (C.E. 30 mars 1966).
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Annales IFiP Droit public 2021, Décision du Conseil constitutionnel n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 5 mars 2020 par le Conseil d’État (décision n° 434742 du 4 mars 2020), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l’association Force 5 par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2020-843 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 311-5 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie.
Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code de l’énergie ;
– le code de l’environnement ;
– l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie, ratifiée par l’article 38 de la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable ;
– la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
– l’ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
– la décision du Conseil d’État n° 412493 du 25 février 2019 ;
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;Au vu des pièces suivantes :
– les observations en intervention présentées par l’association France Nature Environnement, enregistrées le 11 mars 2020 ;
– les observations présentées pour les sociétés Total Direct Énergie Génération et Compagnie électrique de Bretagne, parties au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 25 mars 2020 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 26 mars 2020 ;
– les secondes observations en intervention présentées par l’association France Nature Environnement, enregistrées le 7 avril 2020 ;
– les secondes observations présentées pour l’association requérante par la SCP Bauer-ViolasFeschotte-Desbois Sebagh, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le16 avril 2020 ;
– les secondes observations présentées pour les sociétés Total Direct Énergie Génération et Compagnie électrique de Bretagne par la SCP Piwnica et Molinié, enregistrées le 17 avril2020 ;
– les observations complémentaires présentées par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l’instruction, enregistrées le 6 mai 2020 ;
– les observations complémentaires présentées pour l’association intervenante à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l’instruction, enregistrées le même jour ;
–les observations complémentaires présentées pour l’association requérante par la SCP Bauer-Violas Feschotte-Desbois Sebagh à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l’instruction, enregistrées le 7 mai 2020 ;
– les observations complémentaires présentées pour les sociétés Total Direct Énergie Génération et Compagnie électrique de Bretagne par la SCP Piwnica et Molinié à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l’instruction, enregistrées le même jour ;
– les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Fabrice Sebagh, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour l’association requérante, Me François Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, pour les parties au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, Me Alexandre Faro, avocat au barreau de Paris, pour l’association intervenante et M. Philippe Blanc, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 12 mai 2020 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. L’article L. 311-5 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 mai 2011 mentionnée ci-dessus, prévoit : « L’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité est délivrée par l’autorité administrative en tenant compte des critères suivants : « 1 ° La sécurité et la sûreté des réseaux publics d’électricité, des installations et des équipements associés ; « 2 ° Le choix des sites, l’occupation des sols et l’utilisation du domaine public ; « 3 ° L’efficacité énergétique ; « 4 ° Les capacités techniques, économiques et financières du candidat ou du demandeur ; « 5 ° La compatibilité avec les principes et les missions de service public, notamment avec les objectifs de programmation pluriannuelle des investissements et la protection de l’environnement ; « 6 ° Le respect de la législation sociale en vigueur. « L’autorisation est nominative et incessible. En cas de changement d’exploitant, l’autorisation ne peut être transférée au nouvel exploitant que par décision de l’autorité administrative ».
2. L’association requérante soutient que la décision administrative autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité a une incidence directe et significative sur l’environnement. Dès lors, en ne prévoyant aucun dispositif permettant la participation du public à l’élaboration de cette décision, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et l’article 7 de la Charte de l’environnement.
3. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « par l’autorité administrative » figurant au premier alinéa de l’article L. 311-5 du code de l’énergie.
– Sur le fond :
4. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
5. Selon l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».
Depuis l’entrée en vigueur de cette Charte, il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions.
6. Selon l’article L. 311-1 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 mai 2011, l’exploitation d’une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée, selon la procédure prévue aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du même code, à l’opérateur qui en fait la demande ou qui est désigné au terme d’un appel d’offres en application de l’article L. 311-10.
En ce qui concerne l’incidence sur l’environnement de la décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité :
7. Aux termes de l’article L. 311-5, lorsqu’elle se prononce sur l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité, l’autorité administrative tient compte, notamment, du « choix des sites » d’implantation de l’installation, des conséquences sur l’« occupation des sols » et sur l’« utilisation du domaine public », de l’« efficacité énergétique » de l’installation et de la compatibilité du projet avec « la protection de l’environnement ».
Selon la jurisprudence constante du Conseil d’État, l’autorisation administrative ainsi délivrée désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d’implantation de l’installation.
8. Il résulte de ce qui précède que la décision autorisant, sur le fondement de l’article L. 311-5, l’exploitation d’une installation de production d’électricité constitue une décision publique ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Est indifférente à cet égard la circonstance que l’implantation effective de l’installation puisse nécessiter l’adoption d’autres décisions administratives postérieurement à la délivrance de l’autorisation.
En ce qui concerne la participation du public à l’élaboration de la décision autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité :
9. En premier lieu, avant l’ordonnance du 5 août 2013 mentionnée ci-dessus, aucune disposition n’assurait la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques prévues à l’article L. 311-5 du code de l’énergie.
S’il est loisible au législateur, compétent pour fixer les conditions et limites de l’exercice du droit protégé par l’article 7 de la Charte de l’environnement, de prévoir des modalités particulières de participation du public lorsqu’une même opération fait l’objet de décisions publiques successives, c’est à la condition que ces modalités garantissent une appréciation complète des incidences directes et significatives de ces décisions sur l’environnement.
Or, en l’espèce, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient un tel dispositif. Par conséquent, le législateur a méconnu, pendant cette période, les exigences de l’article 7 de la Charte de l’environnement.
10. En second lieu, l’ordonnance du 5 août 2013, prise sur le fondement de l’article 38 de la Constitution à la suite de l’habilitation conférée au Gouvernement par l’article 12 de la loi du 27 décembre 2012 mentionnée ci-dessus, a inséré dans le code de l’environnement l’article L. 120-1-1, entré en vigueur le 1er septembre 2013. Applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement qui n’appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu une participation du public, cet article L. 120-1-1 prévoit la mise à disposition du public par voie électronique du projet de décision ou, lorsque la décision est prise sur demande, du dossier de demande. Il permet ensuite au public de déposer ses observations, par voie électronique, dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la mise à disposition.
11. D’une part, cet article L. 120-1-1 institue une procédure qui répond aux exigences d’accès du public aux informations relatives à l’environnement et de participation à l’élaboration des décisions publiques prévues à l’article 7 de la Charte de l’environnement. D’autre part, si un projet de loi de ratification de l’ordonnance du 5 août 2013 a été déposé dans le délai fixé par l’article 12 de la loi du 27 décembre 2012, le Parlement ne s’est pas prononcé sur cette ratification.
Toutefois, conformément au dernier alinéa de l’article 38 de la Constitution, à l’expiration du délai de l’habilitation fixé par le même article 12, c’est-à-dire à partir du 1er septembre 2013, les dispositions de cette ordonnance ne pouvaient plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. Dès lors, à compter de cette date, elles doivent être regardées comme des dispositions législatives. Ainsi, les conditions et les limites de la procédure de participation du public prévue à l’article L. 120-1-1 sont « définies par la loi » au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement.
12. Par conséquent, à partir du 1er septembre 2013, les dispositions contestées de l’article L. 311-5 du code de l’énergie ne méconnaissaient plus cet article 7. Elles n’étaient, par ailleurs, contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.
13. Il résulte de tout ce qui précède que ces dispositions, dans leur rédaction contestée, applicable du 1er juin 2011 au 18 août 2015, doivent être déclarées contraires à la Constitution jusqu’au 31 août 2013 et conformes à la Constitution à compter du 1er septembre 2013.
– Sur les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité :
14. Selon le deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ». En principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.
Cependant, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s’opposer à l’engagement de la responsabilité de l’État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d’en déterminer les conditions ou limites particulières.
15. En premier lieu, les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée issue de l’ordonnance du 9 mai 2011, ne sont plus en vigueur.
16. En second lieu, la remise en cause des mesures ayant été prises avant le 1er septembre 2013 sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution avant cette date aurait des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er – Les mots « par l’autorité administrative » figurant au premier alinéa de l’article L. 311-5 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie, étaient contraires à la Constitution jusqu’au 31 août 2013.
Article 2. – Les mots « par l’autorité administrative » figurant au premier alinéa de l’article L. 311-5 du code de l’énergie, dans la même rédaction, sont conformes à la Constitution à compter du 1er septembre 2013.
Article 3. – La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 15 et 16 de cette décision.
Article 4. – Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 mai 2020, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Annales IFiP Droit public 2021, Commentaire de la décision
Les faits
Deux associations contestent devant le Conseil d’État la décision de l’administration d’autoriser l’exploitation d’une centrale à gaz de Total Direct Énergie à Landivisiau, dans le Finistère.
La procédure
Les requérants ont formé une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)devant le Conseil d’État contestant la conformité de l’article L. 311-5 du Code de l’énergie à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Le Conseil Constitutionnel est saisi de cette question par le Conseil d’État le 5 mars 2020.
Selon l’article L. 311-1 du code de l’énergie, issu d’une ordonnance, l’exploitation d’une installation de production électrique est subordonnée à une autorisation administrative délivrée à l’opérateur qui en fait la demande ou qui est désigné au terme d’un appel d’offres.
Et selon l’association requérante, la décision administrative autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité a une incidence directe et significative sur l’environnement. Dès lors, faute d’avoir prévu de dispositif permettant la participation du public à l’élaboration de cette décision, le législateur n’a pas respecté l’article 7 de la Charte de l’environnement.
La question de droit
La question posée au Conseil Constitutionnel est la suivante : les dispositions contestées du Code de l’énergie sont-elles conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement ?
La solution
Le Conseil répond par la négative mais en fonction de la date à laquelle on se place. L’article L.311-5 du code de l’énergie était bien inconstitutionnel depuis la date de son entrée en vigueur jusqu’au 1er septembre 2013, car dans ce laps de temps, la loi ne permettait pas la mise en œuvre des droits contenus dans la Charte de l’environnement.
Ce n’est que plus tard, qu’une ordonnance avait été adoptée le 5 août 2013 pour introduire dans le Code de l’environnement une procédure générale d’information et de participation du public s’appliquant aux décisions visées par l’article L.311-5 du Code de l’énergie. Or, l’autorisation de la centrale Total avait été délivrée antérieurement à l’adoption de cette ordonnance, le 10 janvier 2013. Cette autorisation a donc été délivrée à un moment où le principe de participation du public était absent de la législation.
Ainsi, les dispositions de l’article L.311-5 contestées par les requérants étaient bien inconstitutionnelles jusqu’au 1er septembre 2013, date d’entrée en vigueur de l’article L.120-1-1 du code de l’environnement qui met en œuvre le principe de participation du public.
Conséquence : le Conseil constitutionnel juge que les dispositions doivent être déclarées contraires à la Constitution jusqu’au 31 août 2013 mais conformes à la Constitution à compter du 1er septembre 2013. La remise en cause des mesures ayant été prises avant le 1er septembre 2013 sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution avant cette date aurait cependant des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions d’une ordonnance ne pouvant plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif, une fois passé le délai d’habilitation, doivent être désormais regardées comme des dispositions législatives (I). La portée de cette décision opère un basculement entre les différentes institutions (II).
I. Le Conseil constitutionnel, gardien de la loi
Par cette décision, le Conseil rappelle l’importance de la place de la loi (A) et étend cette qualification aux ordonnances non ratifiées (B).
A. La réaffirmation de la place de la loi
Le recours aux ordonnances est devenu un usage fréquent sous la Ve République et s’inscrit dans le rationalisme parlementaire. De plus, ce mécanisme est aussi utilisé pour des matières qui ne prêtent pas à conséquence : la codification de textes épars.
Cependant, le recours à cette procédure comporte toutefois un risque de modification d’un texte. Ainsi, dans une décision du 16 décembre 1999, le juge constitutionnel a rappelé que le « Gouvernement ne saurait apporter de modifications de fond aux dispositions législatives existantes ». Les modifications rendues nécessaires pour « harmoniser l’état du droit » doivent se borner à « remédier aux incompatibilités pouvant apparaître entre des dispositions soumises à codification ».
En l’espèce, l’article L.311-5 du Code de l’énergie, issu de l’ordonnance du 9 mai 2011, crée une obligation légale et constitutionnelle de participation des personnes dans le processus d’élaboration des décisions pour tout projet ayant une incidence sur l’environnement. Cette obligation est à la charge du législateur et non du pouvoir réglementaire.
Dès lors, les requérants font le raisonnement suivant : 1° la décision de l’administration autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité présente une incidence directe et significative sur l’environnement ; 2° si le législateur ne peut intervenir dans un domaine qui a pourtant un impact sur l’environnement, ce même législateur renonce à exercer une de ses compétences.
Le juge constitutionnel suit ce raisonnement. Il estime en effet que le législateur a « méconnu sa compétence » en l’absence de dispositions législatives prévoyant pendant la période de validité de la loi d’habilitation, une participation du public.
Le premier apport de cette décision consiste donc à réaffirmer la place de la loi dans la fixation des modalités de participation du public à toute décision ayant une incidence sur l’environnement.
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Pour aller plus loin