Les annales de droit public au concours d’inspecteur des finances publiques (IFiP) 2018 comprennent deux sujets obligatoires :
- une composition portant sur l’organisation de la région
- un commentaire d’arrêt portant sur une QPC relative à la constitutionnalité du cumul de sanctions
Annales IFiP droit public 2018, Composition
Annales IFiP droit public 2018, Sujet “La région en tant que collectivité territoriale : son organisation institutionnelle, ses compétences et ses modalités d’exercice”
Les régions constituent, dans les années 1960, de simples établissements publics, circonscriptions d’action régionale destinées à donner davantage de cohérence à la politique de l’État, à un échelon supérieur à celui du département.
La loi du 2 mars 1982 leur a reconnu le statut de collectivité territoriale mais ce n’est qu’en 1986 qu’a eu lieu la première élection des conseils régionaux au suffrage universel. La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral a regroupé certaines régions, leur nombre total passant ainsi de 21 à 12 (hors Corse, collectivité à statut particulier).
La région s’est légitimement imposée comme collectivité territoriale aux côtés des départements et communes depuis 1982 calquant son organisation sur ces entités administratives traditionnelles (I). Elle a progressivement étoffé ses compétences (II).
I. L’organisation de la région
La région est une collectivité territoriale disposant de l’autonomie (A) dont le fonctionnement institutionnel dépend étroitement du Président du Conseil régional (B).
A. Une institution démocratique : le régime électoral
Tous les six ans, les citoyens inscrits sur les listes électorales sont invités à élire des conseillers régionaux dans le cadre de la région. L’ensemble des conseillers régionaux constitue le conseil régional. Les élections régionales se déroulent au scrutin de liste à deux tours. Au premier tour de scrutin, si une liste remporte la majorité des voix, elle obtient un quart des sièges et le reste des sièges est réparti à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne entre les listes qui ont obtenu plus de 5 % des voix.
Faute de majorité absolue au premier tour, un second est organisé auquel ne peuvent participer que les listes ayant obtenu au moins 10 % des voix au premier tour.
La liste arrivant en tête obtient un quart des sièges et le reste des sièges est réparti à la représentation proportionnelle entre les listes ayant obtenu plus de 5 % des voix au second tour (c’est le même principe qu’au premier tour). L’introduction pour partie du scrutin proportionnel a pour conséquence de rendre difficile la constitution de majorités stables au sein des conseils régionaux. La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions modifie le nombre des élus de chaque département au sein des conseils régionaux.
Suite réservée à nos stagiaires…
Annales IFiP droit public 2018, Commentaire d’arrêt
Annales IFiP droit public 2018, Sujet: Décision du Conseil constitutionnel n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 30 mars 2 016 par la Cour de cassation (chambre criminelle […]), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. […] Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-546 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 1729 et 1741 du code général des impôts.
Au vu des textes suivants :
– la Constitution ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
– le code général des impôts ;
– le livre des procédures fiscales ;
[…]
– le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
– les observations présentées pour la partie requérante par la SCP Piwnica et Molinié et par Me Jean Veil, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 20 avril et 6 mai 2016 ;
– les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 21 avril 2016 ;
– les observations en intervention présentées pour M. Jean-Baptiste André J. par Me Rodolphe Mossé, avocat au barreau de Lyon, enregistrées le 8 avril 2016 ;
[…]
Après avoir entendu Me Emmanuel Piwnica, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et Me Jean Veil, Me Marion Grégoire, avocat au barreau de Paris, partie au litige à l’occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été posée, Me Rodolphe Mossé pour les parties intervenantes, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 7 juin 2016 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur « les articles 1729 et 1741 du code général des impôts dans leur version applicable à la date de prévention », la Cour de cassation a jugé que cette question portait sur l’article 1729 du code général des impôts « dans sa rédaction actuellement en vigueur, issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 » et sur l’article 1741 du même code « dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 ».
2. L’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2008 prévoit : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État entraînent l’application d’une majoration de : « a. 40 % en cas de manquement délibéré ;
b. 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;
c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d’application de l’article 792 bis ».
3. L’article 1741 du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi du 14 mars 2012 mentionnée ci-dessus prévoit : « Sans préjudice des dispositions particulières relatées dans la présente codification, quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt, soit qu’il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 500 000 € et d’un emprisonnement de cinq ans. […] « Toutefois, cette disposition n’est applicable, en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros.
[…]
« La juridiction peut, en outre, ordonner l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal.
« Les poursuites sont engagées dans les conditions prévues aux articles L. 229 à L. 231 du livre des procédures fiscales ».
4. Le requérant, l’autre partie au litige et les intervenants soutiennent que les sanctions administratives et pénales respectivement instituées par les articles 1729 et 1741 du code général des impôts s’appliquent aux mêmes faits commis par une même personne, protègent les mêmes intérêts sociaux, sont d’une nature et d’une sévérité équivalentes et, enfin, relèvent du même ordre de juridiction. L’application combinée de ces deux articles serait contraire à la règle de non cumul des peines dite communément « non bis in idem », au principe de nécessité des délits et des peines ainsi qu’au principe de proportionnalité des peines, garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
5. Est ainsi contestée la constitutionnalité des articles 1729 et 1741 du code général des impôts en cas d’insuffisance volontaire de déclaration. Compte tenu du champ d’application respectif de ces deux articles, la question prioritaire de constitutionnalité porte, d’une part, sur l’article 1729 du code général des impôts et, d’autre part, sur les mots « soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt » figurant dans la première phrase du premier alinéa de l’article 1741 du même code.
6. Dans les considérants 5 à 8 de sa décision du 17 mars 2011 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les mots « de 40 % si la mauvaise foi de l’intéressé est établie » figurant au 1 de l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2006. Il les a déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision.
7. Toutefois, d’une part, l’ordonnance du 7 décembre 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, a modifié l’article 1729 en remplaçant les mots « de 40 % si la mauvaise foi de l’intéressé est établie » par les mots « 40 % en cas de manquement délibéré ». D’autre part, depuis cette déclaration de conformité à la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 18 mars 2015 mentionnée ci-dessus, que le cumul de l’application de dispositions instituant des sanctions, lorsque celles-ci sont infligées à l’issue de poursuites différentes en application de corps de règles distincts, peut méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines si différentes conditions sont réunies. Les sanctions doivent réprimer les mêmes faits, ne pas être d’une nature différente et relever du même ordre de juridiction et les intérêts sociaux protégés doivent être les mêmes. La modification des dispositions de l’article 1729 et la décision du 18 mars 2015 constituent un changement des circonstances de droit. Ce changement justifie, en l’espèce, le réexamen des dispositions de l’article 1729 du code général des impôts.
– Sur le fond :
8. Selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Les principes ainsi énoncés ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions pénales mais s’étendent à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues.
9. Il appartient au Conseil constitutionnel, au regard de ces exigences, d’examiner la constitutionnalité de l’article 1729 et des dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts puis d’examiner la constitutionnalité de la combinaison de ces mêmes dispositions. En ce qui concerne l’article 1729 et les dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts pris isolément :
10. L’article 1729 du code général des impôts institue, en cas de manquement délibéré du contribuable, une majoration de 40 % qui est portée à 80 % dans certains cas d’abus de droit ou si le contribuable s’est rendu coupable de manœuvres frauduleuses. Ces sanctions financières préviennent et répriment les insuffisances volontaires de déclaration de la base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt. La nature de ces sanctions financières est directement liée à celle des infractions réprimées. Les taux de majoration fixés par le législateur ne sont pas manifestement disproportionnés.
11. Prises isolément, les dispositions de l’article 1729 du code général des impôts ne sont donc pas contraires aux principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines.
12. Les dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts punissent d’une amende de 500 000 euros […], et d’un emprisonnement de cinq ans […], quiconque a « volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt ». Des peines complémentaires, […] de publicité de la décision de condamnation peuvent également être prononcées par le juge pénal. Ces sanctions peuvent être appliquées aux contribuables qui, d’une façon frauduleuse, dissimulent volontairement des sommes soumises à l’impôt. Au regard de l’incrimination prévue par les dispositions contestées, les peines instituées par le législateur ne sont pas manifestement disproportionnées.
13. Toutefois, les dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts ne sauraient, sans méconnaître le principe de nécessité des délits, permettre qu’un contribuable qui a été déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond puisse être condamné pour fraude fiscale.
14. Sous cette réserve, les dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts prises isolément ne sont pas contraires aux principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines.
En ce qui concerne l’application combinée de l’article 1729 et des dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts :
15. Les insuffisances volontaires de déclaration d’éléments servant à la détermination de l’assiette de l’impôt et à sa liquidation sont réprimées par l’article 1729 et par les dispositions contestées de l’article 1741. Ce dernier article précise que les sanctions qu’il prévoit s’appliquent « sans préjudice des dispositions particulières relatées dans la présente codification » et « indépendamment des sanctions fiscales applicables ».
16. Par conséquent, une personne sanctionnée sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts est susceptible de faire également l’objet de poursuites pénales sur le fondement de l’article 1741 du même code.
17. Selon l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Il en découle l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale.
18. Les dispositions de l’article 1729 du code général des impôts permettent à l’administration fiscale d’infliger des sanctions pécuniaires aux contribuables notamment en cas de manquement délibéré, d’abus de droit ou de manœuvres frauduleuses. Ces sanctions, dont le niveau varie selon la nature de l’infraction et en proportion des droits éludés, s’ajoutent à l’impôt dû […]. Elles visent à garantir la perception de la contribution commune et à préserver les intérêts financiers de l’État. Elles assurent le bon fonctionnement du système fiscal qui repose sur la sincérité et l’exactitude des déclarations souscrites par les contribuables.
19. Les dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts répriment la dissimulation frauduleuse d’éléments nécessaires à l’établissement de l’impôt principalement par des amendes et des peines d’emprisonnement. Elles visent ainsi à garantir l’accomplissement volontaire par les contribuables de leurs obligations fiscales. Les poursuites engagées sur le fondement de l’article 1741 ont un caractère public qui leur confère une exemplarité et une portée dissuasive supplémentaire pour l’ensemble des personnes susceptibles de manquer frauduleusement à leurs obligations fiscales. […]
20. Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l’article 1729 comme les dispositions contestées de l’article 1741 permettent d’assurer ensemble la protection des intérêts financiers de l’État ainsi que l’égalité devant l’impôt, en poursuivant des finalités communes, à la fois dissuasive et répressive. Le recouvrement de la nécessaire contribution publique et l’objectif de lutte contre la fraude fiscale justifient l’engagement de procédures complémentaires dans les cas de fraudes les plus graves. Aux contrôles à l’issue desquels l’administration fiscale applique des sanctions pécuniaires peuvent ainsi s’ajouter des poursuites pénales dans des conditions et selon des procédures organisées par la loi.
21. Le principe de nécessité des délits et des peines ne saurait interdire au législateur de fixer des règles distinctes permettant l’engagement de procédures conduisant à l’application de plusieurs sanctions afin d’assurer une répression effective des infractions. Ce principe impose néanmoins que les dispositions de l’article 1741 ne s’appliquent qu’aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt. Cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention.
22. La combinaison des exigences constitutionnelles découlant de l’article 8 de la Déclaration de 1789 et de celles découlant de son article 13 permet que, dans les conditions énoncées aux paragraphes 20 à 21, les contribuables auteurs des manquements les plus graves puissent faire l’objet de procédures complémentaires et de sanctions proportionnées en application de l’article 1729 et des dispositions contestées de l’article 1741.
23. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 13 et 21, l’application combinée de l’article 1729 et des dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts ne peut donc être regardée comme conduisant à l’engagement de poursuites différentes aux fins de sanctions de faits identiques en application de corps de règles distincts et ne méconnaît pas le principe de nécessité des délits et des peines.
24. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. Sous cette réserve, l’application combinée des dispositions de l’article 1729 et des dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts ne méconnaît pas le principe de proportionnalité des peines.
25. Sous les réserves énoncées aux paragraphes 13, 21 et 24, l’article 1729 et les dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Dans ces conditions, ils doivent être déclarés conformes à la Constitution.
D É C I D E :
Article 1er.- Sous les réserves énoncées aux paragraphes 13, 21 et 24, l’article 1729 du code général des impôts ainsi que les mots « soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt » figurant dans la première phrase du premier alinéa de l’article 1741 du même code dans sa rédaction résultant de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 sont conformes à la Constitution.
Article 2.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 juin 2016 […].
Annales IFiP droit public 2018, Corrigé
Faits et procédure
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 mars 2016 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ces questions sont relatives à la conformité aux droits et libertés d’une part, de l’article 1729 du code général des impôts (CGI) et, d’autre part, de l’article 1741 du même code. Ces deux articles établissent des sanctions en cas de fraudes fiscales [L’arrêt ne le précise pas, mais il s’agit de « l’affaire Cahuzac » du nom du ministre budget Jérôme Cahuzac, reconnu coupable de fraude fiscale].
La question de droit
L’application de ces deux articles est-elle un cumul contraire au principe de proportionnalité et à la règle « non bis in idem » ?
La solution
Le Conseil constitutionnel considère que l’application des articles 1729 et 1741 du Code général des impôts (CGI) sanctionnant fiscalement et pénalement la fraude fiscale dans le cas des fraudes fiscales les plus graves entraîne bien un cumul des sanctions administratives et pénales.
Mais ce cumul est compatible avec le principe de nécessité des délits et des peines et le principe de proportionnalité des peines. Cette conformité des dispositions du code général des impôts est néanmoins subordonnée à plusieurs conditions parmi lesquelles un plafonnement du montant global des sanctions prononcées au montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues et l’impossibilité de prononcer une sanction pénale après une décharge fiscale définitive.
À défaut d’avoir ajouté son écot à la lutte contre la fraude fiscale, l’ancien ministre Jérôme Cahuzac sera à l’origine d’une position assez novatrice du Conseil constitutionnel qui reconnaît la validité du cumul de sanctions administrative et pénale (I). Cette décision doit cependant être analysée avec prudence (II).
I. La conformité constitutionnelle du cumul des sanctions
Le Conseil constitutionnel, par cette décision, met fin à l’incertitude concernant la conformité au principe de nécessité des délits et des peines, du système de double répression de la fraude fiscale en reconnaissant la validité du cumul des sanctions (A) et leur caractère proportionné (B).
A. Un cumul des sanctions compatible avec le droit fondamental
L’article 1729 du code général des impôts (CGI) prévoit des majorations d’impôt appliquées en cas d’inexactitudes ou d’omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant des éléments pertinents pour l’assiette ou la liquidation d’un impôt.
L’article 1741 du CGI prévoit des sanctions pénales susceptibles d’être prononcées en cas de fraude ou tentative de fraude à l’établissement ou au paiement total ou partiel d’impôts.
Les requérants soutiennent que les sanctions administratives et pénales instituées par la combinaison de ces articles constituent un cumul de sanctions incompatible avec la règle non bis in idem :
§ Ces deux articles s’appliquent aux mêmes faits commis par une même personne.
§ Ils protègent les mêmes intérêts sociaux.
§ Ils sont d’une nature et d’une sévérité équivalentes et relèvent du même ordre de juridiction.
L’application combinée de ces sanctions est donc dans leur raisonnement, contraire au principe de non cumul des peines ou non bis in idem. De même, cette combinaison de sanctions s’oppose aux principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines, pourtant garantis par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC).
Il s’agissait donc de déterminer si, en cas de fraude fiscale, des sanctions fiscales et pénales pouvaient être cumulativement prises ou si ce cumul était contraire au principe de non bis in idem.
Sur le fond, le Conseil rappelle que :
« Le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts”.
Le cumul des poursuites et, a fortiori, le cumul des sanctions, ne sont donc pas, par principe, contraires aux principes de nécessité des délits et de non bis in idem. Ce cumul est néanmoins limité par l’exigence, depuis longtemps affirmée, selon laquelle le montant global des sanctions prononcées ne peut dépasser le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues fiscalement ou pénalement.
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Pour aller plus loin