L’avènement de la Ve République

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Le 13 mai 1958, les émeutes d’Alger aboutissent à la prise du Gouvernement général. Les émeutiers appellent au retour du général De Gaulle.
Le 2 juin 1958, celui-ci est investi par l’Assemblée nationale comme Président du Conseil. Le 3 septembre, le projet d’une nouvelle Constitution est examiné en Conseil des ministres.
Par référendum en date du 28 septembre 1958, le projet de Constitution est adopté par le peuple français à une très large majorité (près de 80 % des électeurs).
La Constitution de la Ve République est promulguée le 4 octobre 1958.
Les fondements du régime
Il faut conserver à l’esprit que le régime républicain est une notion relativement récente en France. Le régime monarchique s’est appliqué en France sur près de 1 300 ans (498, baptême de Clovis – 1792, avènement de la 1ère République) et les premières républiques sont marquées par l’instabilité.
L’instabilité républicaine
Le premier régime républicain a abouti à la Terreur (1793) et à dix ans de troubles civils ou de guerre (1789 – 1799). La Seconde République a duré seulement trois ans (1848 – 1851) et se termine par un coup d’État.
La Troisième République, née de la défaite de septembre 1870 face à la Prusse, ne connaît pas initialement de Constitution unique, mais seulement une série de lois constitutionnelles, faute d’entente entre les constituants, partagés entre monarchistes et républicains. Il s’agit d’un régime parlementaire dans lequel le gouvernement est doublement responsable devant la Chambre des députés et le Sénat. Un chef d’État est élu pour sept ans par les parlementaires : ce président dispose d’un droit de dissolution à l’encontre des parlementaires.
C’est en mai 1877 que le Président Mac Mahon, de tendance monarchiste, décide d’utiliser ce droit contre une assemblée qui lui est hostile. Mais contrairement à ses attentes, la nouvelle chambre élue après la dissolution est de nouveau républicaine. Il est contraint de s’effacer et jamais plus sous la Troisième République, le droit de dissolution ne sera utilisé.
Un régime d’assemblée
La conséquence en est le développement d’un régime parlementaire : c’est désormais le Parlement qui dispose de l’essentiel du pouvoir. Or ce régime d’assemblée parvient difficilement à faire émerger une majorité cohérente. Il s’ensuit une instabilité ministérielle (99 gouvernements entre 1879 et 1940 ; une durée moyenne de 230 jours pour un gouvernement ; le plus bref durant quatre jours). La chambre s’écarte de la représentation nationale puisque pour les besoins d’une coalition gouvernementale, les partis peuvent s’allier au prix de compromis qui ne reflètent plus le vote des électeurs. Ce rejet du parlementarisme est une des raisons qui explique les émeutes du 6 février 1934.
La redite de la IVe République
La Quatrième République née au lendemain de la guerre (1946) essaye de tirer les enseignements de l’échec de ce parlementarisme. Elle vise à concilier exécutif et législatif afin d’éviter tout retour à un régime du type de la IIIe République. Néanmoins, faute d’un pouvoir exécutif fort prévu par les textes constitutionnels, elle retombe dans les mêmes errements.
En effet, bien que réunie autour des thèmes de la Résistance, l’assemblée constituante est partagée : d’un côté les marxistes veulent un modèle soviétique ou jacobin, c’est-à-dire une assemblée législative unique ; de l’autre, les non-marxistes se rappellent le précédent de la Ière République et souhaitent un contre-pouvoir législatif sous la forme d’une deuxième chambre.
Le compromis aboutit à la création d’une Assemblée nationale élue pour quatre ans au suffrage universel devant laquelle le gouvernement est responsable et d’autre part d’un Conseil de la République (équivalent au Sénat ; il siège d’ailleurs dans le même lieu, au Luxembourg) qui ne dispose que d’un pouvoir consultatif.
Les idées-force de la Ve République
Le discours de Bayeux
Le régime de la Ve République repose sur des idées maîtresses évoquées dans le discours de Bayeux du général de Gaulle, le 16 juin 1946, à savoir :
- un exécutif renforcé : légitime parce que « au-dessus des partis », arbitre entre les institutions et garant de l’intégrité du territoire. Ces caractéristiques proviennent de l’expérience amère de la débâcle en 1940.
- la séparation classique entre les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
- un bicaméralisme (c’est-à-dire deux chambres parlementaires) permettant de mieux représenter les différents corps de la société. Cette idée ne sera complètement pas réalisée. Le Sénat continuera à représenter les collectivités et le peuple français, plus que des organisations familiales et syndicales ou professionnelles. Ces dernières seront représentées par un Conseil économique et social au rôle très modeste toujours aujourd’hui.
Le texte définitivement adopté par le corps électoral consacre au fil du temps un régime « dyarchique » puisque l’exécutif compte deux personnes : le Président de la République et le Premier ministre.
De plus, le régime se caractérise par une nature mixte : « il emprunte des traits au régime parlementaire et au régime présidentiel ».
Autrement dit, la Ve République doit s’analyser comme un régime mi-présidentiel et mi-parlementaire dans la mesure où, comme dans le régime présidentiel, le Président concentre une partie du pouvoir exécutif et n’est pas responsable devant le Parlement et comme dans le régime parlementaire, le Premier ministre concentre une partie du pouvoir exécutif et est responsable devant le Parlement.
Cette dualité de pouvoir exécutif explique la spécificité attachée au régime français en cas de cohabitation, la majorité parlementaire ne coïncidant plus avec les orientations politiques du Président. Cette caractéristique a pris une acuité particulière avec les différentes cohabitations, notamment la dernière, la plus longue de 1997 à 2002.
Face à un pouvoir exécutif affaibli parce que divisé, les projets de réforme constitutionnelle n’ont pas manqué de ressurgir pour installer à la place une VIe République, ou complètement présidentielle, ou réellement parlementaire.
Vers un présidentialisme ?
Entre 2007 et 2012, la pratique du pouvoir semble s’orienter vers une forme de présidentialisme : le Président de la République ne se contente plus d’indiquer les grandes orientations mais s’implique directement dans les affaires courantes traditionnellement dévolues au Premier ministre. Tout au long du quinquennat écoulé, un cabinet restreint de conseillers (Le secrétaire général de l’Élysée, un haut conseiller diplomatique, quelques conseillers spéciaux) s’est régulièrement réuni autour du Président de la République, en marge du Conseil des ministres : il semble que le centre réel des décisions politiques ait été pris dans ce cabinet « présidentiel » et que le Conseil des ministres ait souvent été réduit à une vitrine officielle.
Les élections présidentielles de 2012 et 2017 n’ont pas dans le fond remis en cause la pratique présidentielle du régime même si le Premier ministre retrouve en apparence ses prérogatives.