Le Président est le gardien de la Constitution, le garant de l’indépendance de la nation et l’arbitre des institutions.
La Présidence de la République
Les pouvoirs propres du Président de la République
Ce sont les pouvoirs qui n’exigent pas de contreseing de la part du Premier ministre ou de tout autre pouvoir et qui sont expressément visés par l’article 19 de la Constitution. Il s’agit :
- de la nomination du Premier ministre (article 8).
- de l’organisation d’un référendum (article 11).
- du droit de dissolution (article 12).
- de la mise en application des mesures d’urgence (article 16).
- du droit de communication au Parlement (article 18).
- de la saisine du Conseil constitutionnel en matière de traité international (article 54).
- de la nomination de trois membres du Conseil constitutionnel (article 56).
- de la saisine du Conseil constitutionnel en matière de loi (article 61).
La nomination du Premier ministre
C’est la pratique du général de Gaulle et de ses successeurs qui a fait de la fonction présidentielle, le siège du pouvoir exécutif. De ce fait, conformément à la Constitution, c’est bien toujours le Président de la République qui nomme le Premier ministre.
Les Premiers ministres sous la Ve République
Charles de Gaulle a nommé Michel Debré (1959-1962) puis Georges Pompidou (1962 – 1968) et Maurice Couve de Murville (1968 – 1969) ; Georges Pompidou a nommé Jacques Chaban-Delmas (1969 – 1972), puis Pierre Messmer (1972 – 1974) ; Valéry Giscard d’Estaing a nommé Jacques Chirac (1974 – 1976) puis Raymond Barre (1976 – 1981) ; François Mitterrand a nommé Pierre Mauroy (1981 – 1984), Laurent Fabius (1984 – 1986), Jacques Chirac (1986 – 1988), Michel Rocard (1988 – 1991), Édith Cresson (1991 – 1992), Pierre Bérégovoy (1992 – 1993) et Édouard Balladur (1993 – 1995) ; Jacques Chirac a nommé Alain Juppé (1995 – 1997), Lionel Jospin (1997 – 2002), Jean-Pierre Raffarin (2002 – 2005) et Dominique de Villepin (2005 – 2007) ; Nicolas Sarkozy a nommé François Fillon (2007 – 2012) ; François Hollande a nommé Jean-Marc Ayrault (2012 – 2014), Manuel Valls (2014 – 2016) et Bernard Cazeneuve (2016 – 2017); Emmanuel Macron a nommé Édouard Philippe (2017 – 2020) et Jean Castex (2020 – 2022)
Le référendum
Typologie des référendums
On distingue deux grands types de référendum :
- le référendum constituant utilisé dans la perspective de modifier la Constitution.
- le référendum législatif utilisé dans la perspective de modifier l’organisation des pouvoirs publics, les politiques sociales et économiques.
La procédure de l’article 11
L’article 11 de la Constitution prévoit de soumettre à la nation « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics ». Une proposition est déposée par le gouvernement. Il s’ensuit une déclaration et un débat devant chaque assemblée. Dans les 15 jours suivant le résultat du référendum, le Président de la République promulgue la loi (naturellement si le vote du corps électoral s’est révélé favorable).
Les référendums sous la Ve République
Jusqu’à présent, il y a eu neuf consultations par référendum :
- le référendum du 8 janvier 1961 relatif à l’autodétermination des populations algériennes.
- le référendum du 8 avril 1962 relatif à l’approbation des accords d’Évian.
- le référendum du 28 octobre 1962 relatif à l’élection au suffrage universel direct du président de la République.
- le référendum du 27 avril 1969 relatif au projet de régionalisation (son échec entraîne le départ du général De Gaulle).
- le référendum du 23 avril 1972 relatif à l’élargissement du Marché commun à l’Irlande, à la Grande-Bretagne et au Danemark.
- le référendum du 6 novembre 1988 relatif au statut de la Nouvelle Calédonie.
- le référendum du 20 septembre 1992 relatif à l’approbation du traité de Maastricht.
- le référendum du 24 septembre 2000 relatif à l’adoption du quinquennat.
- le référendum du 29 mai 2005 relatif à l’adoption d’une Constitution européenne (son échec a entraîné la démission du gouvernement et la suspension des autres référendums prévus dans les autres pays européens).
Le droit de dissolution
Le droit de dissolution permet au Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale, de nouvelles élections législatives étant organisées. Ce droit est en pratique utilisé lorsque l’exécutif rencontre un Parlement rétif et défiant envers ses projets de loi, à tel point qu’il en résulte une forme d’opposition constante, alors même que les députés appartiennent à la majorité présidentielle.
La condition de forme et de fond
- Les consultations : le Président de la République doit consulter le Premier ministre et les présidents des assemblées. Ces consultations ne lient pas le Président.
- Impossibilité de dissoudre dans l’année qui suit une précédente dissolution.
- Impossibilité de dissoudre en cas de suppléance de la Présidence de la République.
- Impossibilité de dissoudre en cas d’application de l’article 16.
Les dissolutions sous la Ve République
- Dissolution du 9 octobre 1962. Le Président de la République Charles De Gaulle demande au peuple d’arbitrer son différend avec le Parlement dans la perspective du référendum sur l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. La dissolution est réussie, le corps électoral reconduit une majorité parlementaire favorable au Président.
- Dissolution du 30 mai 1968. Le Président de la République demande l’approbation du corps électoral face à une crise de société, « les événements » de mai 1968. La dissolution est réussie, les électeurs envoient à l’Assemblée une très large majorité favorable au Président.
- Dissolution du 22 mai 1981. Le Président François Mitterrand qui vient d’être élu veut disposer d’une majorité parlementaire socialiste alors que celle en place lui est opposée. La dissolution est réussie et le gouvernement de Pierre Mauroy disposera d’une majorité absolue.
- Dissolution du 14 mai 1988. Même scénario qu’en 1981. L’Assemblée nationale est en effet passée à droite aux élections législatives de 1986 et le Président François Mitterrand réélu en 1988 cherche à disposer d’une majorité acquise à sa politique au Parlement. Mais la dissolution de 1988 est un demi-succès car les élections ne portent pas au Parlement une majorité absolue de députés socialistes, ce qui va expliquer « la politique d’ouverture », c’est-à-dire que des députés autres que venant de la gauche sont invités à faire partie du gouvernement.
- Dissolution du 21 avril 1997. Le Président Jacques Chirac souhaite anticiper un contexte électoral qu’il estimera défavorable en 1998. C’est un échec complet – le premier échec dans l’histoire des dissolutions sous la Ve République – les électeurs portent en effet à l’Assemblée nationale une majorité socialiste, opposée au Président, et ce, pour cinq ans.
Les mesures d’urgence
Le dispositif de l’article 16 résulte de la volonté d’un pouvoir fort en cas de crise grave. La création de la Ve République a précisément résulté d’un pouvoir exécutif de la IVe République, chancelant dans le contexte tragique et mouvementé de la guerre d’Algérie.
La condition de forme
- Les consultations : le Président de la République doit consulter le Premier ministre et les présidents des assemblées ainsi que le Conseil constitutionnel. Ces consultations ne lient pas le Président, mais celle du Conseil constitutionnel est publiée.
- L’information : le Président de la République doit informer la nation par un message de la mise en application des mesures d’urgence et les motivations y afférentes.
Les deux conditions de fond cumulatives
- Une menace grave et immédiate doit exister.
- Le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu.
Le régime et l’application de l’article 16 sous la Ve République
L’application de l’article 16 permet au Président de prendre toutes les mesures « exigées par les circonstances » ce qui reste suffisamment large pour donner un véritable pouvoir à l’exécutif en temps de crise. Cependant cette marge de manœuvre est limitée par :
- L’obligation de consulter le Conseil constitutionnel pour chaque mesure, même si l’avis ne lie pas le Président.
- L’obligation d’utiliser les pleins pouvoirs dans le seul but de rétablir le fonctionnement normal des institutions.
- La réunion de plein droit de l’Assemblée nationale et l’interdiction de la dissoudre.
- L’impossibilité de réviser la Constitution.
L’article 16 n’a donné lieu qu’à une seule application du 23 avril au 30 septembre 1961, à la suite du putsch des généraux d’Alger. La décision de recourir à l’application de l’article 16 a été considérée comme un acte de gouvernement, c’est-à-dire une décision insusceptible de tout recours (devant quel que tribunal que ce soit). C’est le sens de la décision du Conseil d’État du 26 mars 1962, Rubin de Servens.
Un renforcement du contrôle dans l’application de l’article 16
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a encadré davantage l’application de l’article 16. La réforme a en effet abouti à préciser qu’après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel pouvait être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions de mise en vigueur de l’article 16 demeuraient réunies. Le Conseil doit se prononcer dans les délais les plus brefs par un avis public.
De plus, le Conseil constitutionnel procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.
Là encore, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’en l’espace de plus de 50 ans, l’article 16 n’a été appliqué qu’une seule fois (1961) et à l’occasion de circonstances réellement exceptionnelles. Encadrer drastiquement le pouvoir exécutif sur l’une de ses prérogatives qu’il n’utilise jamais ne peut être interprété comme une limitation d’envergure.
Droit de saisine et nomination des membres du Conseil constitutionnel
- Le Président de la République nomme trois membres parmi les neufs nommés au sein du Conseil constitutionnel. La pratique veut le Président de la République choisisse le Président du Conseil constitutionnel parmi les membres qu’il a lui-même nommés (une exception, celle d’Yves Guéna en 2000).
- Le Président peut déférer une loi ou un traité international devant le Conseil constitutionnel. Ce droit, rarement pratiqué en matière de traité (à six reprises seulement), obéit autant à des considérations de politique intérieure qu’à des impératifs juridiques.
Ces pouvoirs propres sont extrêmement importants, puisqu’ils permettent au Président de contrôler le Parlement, de dialoguer avec la nation et en temps de crise de concentrer l’essentiel du pouvoir. Pour autant, certains auteurs remarquent à juste titre que ces pouvoirs propres ne permettent pas au Président de gouverner, puisqu’il s’agit de pouvoirs dans l’ensemble exceptionnels. L’exercice du pouvoir politique au quotidien relève ainsi beaucoup plus des pouvoirs partagés.
Droit de message au Parlement
Depuis la révision du 23 juillet 2008, le Président de la République peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote.
Les pouvoirs partagés du Président de la République
Ce sont les pouvoirs qui exigent le contreseing ou l’accord de la part du Premier ministre. Il s’agit :
- de la nomination des membres du gouvernement (article 8 alinéa 2).
- de la présidence du Conseil des ministres (article 9).
- de la promulgation des lois (article 10). Le Président ne peut refuser de promulguer la loi dès lors que celle-ci a été régulièrement adoptée. Cependant dans le délai de quinze jours suivant sa transmission, il a la possibilité de demander une seconde délibération de la loi.
- de la signature des ordonnances et des décrets délibérés en Conseil des ministres (article 13 alinéa 1).
- de la nomination aux principaux emplois civils et militaires (article 13 alinéa 2).
- de l’accréditation des ambassadeurs (article 14).
- de la présidence des Conseils et des comités supérieurs de la Défense nationale (article 15).
- du droit de grâce (article 17). Depuis la réforme du 23 juillet 2008, il ne peut être exercé qu’à titre individuel.
- de la convocation de l’Assemblée nationale en session extraordinaire (article 30) : le Président ouvre et clôt par décret la session ouverte sur demande du Premier ministre.
- du droit de ratifier et négocier les traités internationaux (article 52).
- de la révision de la Constitution (article 89).
La nomination à certains emplois
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, certains pouvoirs partagés sont encore plus encadrés.
Ainsi, « une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa de l’article 13 [c’est-à-dire les conseillers d’État, le grand chancelier de la Légion d’honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des Comptes, les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales, tous nommés en Conseil des Ministres] pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».
Cette loi organique a été adoptée le 22 juillet 2010. Elle prévoit de fait que les commissions permanentes de chaque assemblée parlementaire sont compétentes pour émettre un avis sur les nominations à cinquante emplois et fonctions (dont la présidence de Radio-France, de l’Autorité de la concurrence, de l’Autorité des marchés financiers, du CNRS ou encore la direction générale de l’OFPRA ou de l’ONF).
L’avis des commissions permanentes est précédé d’une audition par les commissions permanentes compétentes de la personne dont la nomination est envisagée. « L’audition est publique sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale. Cette audition ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public » (Loi n° 2010-838 du 22 juillet 2010).
Cette évolution s’explique par la volonté de faire cesser le soupçon d’un « fait du prince » quant à la nomination à des postes importants ou prestigieux. La lettre de mission du Président de la République au Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République (« Comité Balladur »), constitué pour proposer des idées de réformes des institutions, indiquait : « Nos concitoyens souhaitent avoir la garantie que les nominations aux plus hautes responsabilités ne reposent que sur la compétence des intéressés ».
Pour autant, « le fait du prince » pourra toujours s’exercer au moment de la révocation ; qui plus est, la commission compétente de chaque assemblée se contentera de se prononcer sur l’acceptation ou le refus du candidat proposé par l’exécutif mais ne possèdera pas de pouvoir d’initiative.
Le rôle du président en matière de défense nationale
La réforme du 23 juillet 2008 n’a pas résolu une contradiction de la Constitution en matière de défense nationale. En effet, la rédaction toujours actuelle des articles 15 d’une part et 20 et 21 d’autre part, laisse subsister un doute sur le partage du pouvoir en matière militaire entre le Président de la République et le Premier ministre.
De fait l’article 15 dispose que « le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et les comités supérieurs de la Défense Nationale » tandis que l’article 21 affirme quant à lui que « le Premier Ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense Nationale » l’article 20 ayant précisé que son gouvernement « dispose de l’administration et de la force armée ».
Dans les faits, le général De Gaulle s’est saisi des affaires militaires à l’occasion de la semaine des barricades d’Alger en février 1960. Sans consulter son Premier ministre, il fait remplacer le ministre des Armées, alors Pierre Guillaumat, par Pierre Messmer.
Le décret du 18 janvier 1962 vient parachever légalement cette application personnelle du pouvoir : le texte permet une délégation permanente des pouvoirs du Premier ministre en faveur du ministre des Armées. Le Premier ministre en est réduit à coordonner les aspects civils de la Défense. Et encore, il faut relever que la gestion concrète de ceux-ci incombe au secrétaire général de la Défense, autant dire du ministère de la Défense.
Le décret du 14 janvier 1964 confère au seul Président de la République la responsabilité d’engager l’utilisation de l’arme nucléaire. Le décret du 12 juin 1996 a complété la disposition initiale (en incluant les nouveaux supports, sous-marins lanceurs de missiles et missiles du plateau d’Albion). Il reste ainsi une contradiction entre l’esprit de la Constitution et son application.
Mais l’ambiguïté prend une acuité particulière en temps de cohabitation. D’un côté, les Premiers ministres ont souvent ménagé le Président de la République : Lionel Jospin n’a pas remis en cause les projets de professionnalisation des armées et de suppression du service militaire annoncés par le président Jacques Chirac (1997) ; Jacques Chirac n’a pas forcé le président François Mitterrand à adopter un nouveau mode d’embarquement de missiles nucléaires (1987).
Mais d’un autre côté, les Premiers ministres ont toujours imposé leurs décisions dans des matières urgentes : l’envoi de gendarmes (alors dépendant du ministère de la Défense) pour délivrer des otages détenus par des terroristes en 1994 (avion détourné par le GIA) ou en 1988 (prise d’otages par les indépendantistes canaques).
Pour aller plus loin
Site officiel du Conseil constitutionnel