La durée du mandat de Président de la République
La réforme du 23 juillet 2008 prévoit désormais que le Président de la République sera élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois consécutivement.
À l’origine, la IIIe République a mis en place un mandat présidentiel d’une durée de sept ans. La IVe a continué la tradition. La Ve République l’a confirmée en 1958. La révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 a réduit la durée du mandat à cinq ans. Les causes de cette révision tiennent autant à des considérations électorales du moment qu’au souci de rationaliser l’exercice du pouvoir.
La réduction de la durée du mandat, moyen de rationaliser l’exercice du pouvoir
En effet, les périodes de cohabitation (1986 – 1988 ; 1993 – 1995 ; et surtout 1997 – 2002) ont démontré la difficulté de faire coexister deux pouvoirs exécutifs aux couleurs politiques opposées.
En conséquence, aligner la durée du mandat présidentiel sur celle des députés permet en principe d’éviter les cohabitations. Il semble peu pertinent d’imaginer que les électeurs appelés à voter la même année à quelques semaines d’intervalle pour élire le Président puis les députés se déjugent en si peu de temps et votent pour des candidats députés n’appartenant pas à la majorité présidentielle.
Cette théorie a été vérifiée en 2002, 2007 et 2012, les élections législatives portant à l’Assemblée nationale une majorité de députés appartenant à la majorité présidentielle.
Jusqu’à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, plusieurs critiques s’élevaient pourtant vis-à-vis de la réforme du quinquennat :
- soit la durée du mandat était trop courte, soit elle était trop longue. En effet, cinq ans paraissent bien courts pour mener à bien une politique à long terme : c’est à peine si un président pourrait voir l’application d’une loi de programmation militaire (souvent sur cinq ans). Soit elle est trop longue : en cas de réélection, le président reste dix ans au pouvoir, ce qui ne facilite pas forcément le renouvellement des décideurs.
- surtout la situation de cohabitation peut surgir à tout moment en cas de cessation des fonctions du Président avant le terme normal de son mandat (démission, décès) : il faudrait organiser de nouvelles élections présidentielles. Or celles-ci sont susceptibles de porter au pouvoir un Président d’un bord politique opposé à celui de la majorité des députés. La réforme du quinquennat n’aurait donc sur ce point rien apporté.
- il n’est pas certain enfin que la coïncidence de l’élection du Président et des députés apporte une majorité franche au Parlement. En effet, en 1988, François Mitterrand, à peine réélu, décide la dissolution de l’Assemblée nationale, majoritairement à droite depuis les élections de 1986. Or le résultat n’est pas probant : à quelques semaines d’intervalle, les électeurs qui ont élu un Président socialiste, ne lui apportent pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale. D’où la politique « d’ouverture » consistant à associer le parti centriste et la nécessité pour le gouvernement de Michel Rocard de recourir fréquemment à l’application de l’article 49-3 pour forcer le vote des projets de loi.
La conséquence de la réforme : le renforcement de la fonction présidentielle
Les élections de 2007 et 2012 confirment, après celles de 2002, que la conséquence de la réforme du quinquennat est le renforcement de la fonction présidentielle. En effet, la décision du Premier ministre Lionel Jospin (1997 – 2002) « d’inverser » le calendrier électoral en 2002, c’est-à-dire d’instituer d’abord l’élection présidentielle et ensuite les législatives – contrairement à ce qui aurait dû se passer sans intervention – donnait la primauté du pouvoir au Président, les élections législatives ne devant que confirmer le résultat de la présidentielle.
L’analyse se vérifiait déjà en 2002 : alors que le Président de la République réélu Jacques Chirac n’avait récolté au premier tour que 19,87 % des voix (le plus faible score de toute la Ve République), les électeurs décidaient cependant de porter à l’Assemblée nationale une majorité de députés de même tendance politique que le Président.
En 2007, le même constat est observé : confortablement élu avec 53 % des suffrages, le Président Nicolas Sarkozy dispose au terme des élections législatives de 2007, de la majorité absolue à l’Assemblée nationale (320 députés de la majorité présidentielle et apparentés sur 577).
De même, François Hollande élu avec 51,64 % des suffrages obtient presque la majorité absolue pour son parti politique (280 sièges alors qu’il en faut 289 ; la majorité est acquise grâce aux alliances avec les autres partis alliés).
La limitation du nombre de mandats à l’issue de la réforme du 23 juillet 2008
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a limité à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs. Ce faisant, on observe que la loi ne fait que sanctionner la pratique réelle sous la Ve République : aucun Président n’a complètement exercé le pouvoir plus de onze ans. Charles de Gaulle a certes été réélu mais a démissionné en 1969. François Mitterrand a subi deux cohabitations qui ont réduit son exercice réel à dix ans. De même pour Jacques Chirac.
La limitation à deux mandats consécutifs de cinq ans ne peut donc être interprétée véritablement comme une réduction du pouvoir présidentiel mais plutôt comme une prise en compte de la réalité de son exercice dans le temps.
L’étendue de la responsabilité
L’irresponsabilité politique
Le Président de la République est politiquement irresponsable, ce qui assure notamment la prééminence de l’exécutif dans le régime de la Ve République. Cette irresponsabilité politique signifie qu’il ne peut être sanctionné et particulièrement renversé par un quelconque autre pouvoir. Là où le gouvernement est responsable devant le Parlement et peut être renversé, le Président est lui irresponsable.
La conséquence est qu’aucun contrepouvoir ne peut forcer le Président à renoncer à son poste. C’est ce que démontre l’épisode de 1962. Opposé à la révision constitutionnelle sur l’élection au suffrage universel direct du Président de la République, le Parlement ne dispose d’aucune prise sur le Président, Charles de Gaulle. Il doit se contenter de renverser son Premier ministre Georges Pompidou.
Le quinquennat renforce cette irresponsabilité puisque, comme on l’a analysé, il a pour conséquence que les électeurs ne se déjugent pas entre la date de l’élection présidentielle et celle de élections législatives, ce qui assure au Président de disposer à l’Assemblée nationale d’une majorité de députés de sa formation politique.
L’irresponsabilité pénale temporaire
Il faut distinguer la responsabilité :
- dans l’exercice de ses fonctions (article 67) :
« Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu ».
- en dehors de ses fonctions. En la matière, le Président est responsable à l’issue de son mandat seulement, la prescription des faits étant suspendue tout le long de son mandat. Ainsi l’ancien Président Jacques Chirac a été entendu par la justice comme témoin assisté en juillet 2007 au titre de l’affaire d’emplois fictifs au sein de son ancien parti politique le RPR. Et il a été condamné finalement le 15 décembre 2011, soit près de 15 ans après les faits, protégé par la longue parenthèse de ses deux mandats (1995 – 2007). Jacques Chirac est ainsi devenu le premier Président de la Ve République condamné par un tribunal correctionnel.
Cette irresponsabilité pénale dans l’exercice de sa fonction se justifie au regard de deux impératifs :
- La continuité de l’État dont il est le garant (s’il devait répondre constamment sur un plan pénal à raison de ses actes commis dans l’exercice de ses fonctions, il ne pourrait assurer cette continuité).
- La séparation du pouvoir exécutif et de l’autorité judiciaire : si cette dernière était appelée à se prononcer sur les actes commis à raison de ses fonctions, il existerait un risque d’immixtion sur le pouvoir exécutif.
Les nouvelles limites à l’irresponsabilité du Président de la République
Il existe cependant une limite à cette irresponsabilité politique et pénale. Elle a été posée par la révision constitutionnelle du 23 février 2007 portant sur le statut du Président de la République. Celle-ci introduit une procédure de destitution. Élaborée par la Commission présidée par Pierre Avril sur le statut pénal du chef de l’État, la destitution peut en effet s’analyser comme une contrepartie à la protection étendue dont bénéficie désormais le président.
C’est la loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014, qui sept ans après la réforme, a traduit dans la Constitution cette procédure nouvelle de destitution. L’article 68 dispose :
« Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour ».
La destitution est prononcée par la Haute Cour, qui se substitue à la Haute Cour de justice. La procédure peut être déclenchée par l’Assemblée nationale ou le Sénat en adoptant à la majorité des deux tiers de leurs membres une proposition de réunion de la Haute Cour. La seconde assemblée doit ensuite se prononcer dans les quinze jours. Si elle n’adopte pas cette proposition, la procédure est alors terminée.
La Haute Cour doit ensuite se prononcer dans un délai d’un mois. Elle est présidée par le président de l’Assemblée nationale. Les votes s’effectuent à bulletins secrets. La délégation de vote est impossible. La majorité des deux tiers des membres de la Haute Cour est nécessaire pour prononcer la destitution du président. Pendant la durée de la procédure, le chef de l’État continue d’exercer ses fonctions. Il n’y a pas d’intérim.
La procédure peut être déclenchée aussi bien à la suite d’un comportement politique que d’un comportement privé du Président : autrement dit, la procédure peut être ouverte à la suite d’un manquement politique (se refuser à appliquer une loi) ou d’une infraction pénale. S’agit-il d’une sorte « d’impeachment » à la française (La procédure d’impeachment aux États-Unis permet de destituer le Président ; le Président Nixon, suite au scandale du Watergate a préféré démissionner en 1974 devant la menace de cette procédure) ? Il existe une différence de taille : comme indiqué supra, la procédure en France est uniquement politique alors qu’aux États-Unis, la procédure implique une dimension judiciaire avec l’intervention du président de la Cour suprême.
Pour aller plus loin
Site officiel du Conseil constitutionnel