Le rôle de l’Assemblée nationale
L’Assemblée nationale représente, légifère et contrôle.
Un rôle représentatif
L’Assemblée nationale représente la nation souveraine. Cette attribution est mise en exergue par le mode de désignation des députés, élus au suffrage universel direct (cf. statuts des députés). Le député une fois élu ne représente pas ses électeurs ou sa circonscription, mais bien la nation tout entière. Pour s’en convaincre, il convient de se souvenir que les élus alsaciens et lorrains continuent à siéger à la Chambre des députés après 1870, alors même que l’Alsace-Lorraine est annexée de force par le IIe Reich.
Un rôle législatif
L’Assemblée prépare les lois
L’Assemblée nationale est au centre de la procédure législative :
- Elle informe et est informée grâce aux délégations parlementaires et à l’office parlementaire.
- Elle a un rôle d’initiative au travers des propositions de lois, c’est-à-dire les textes déposés par les députés.
- Elle examine les projets et propositions de loi grâce aux commissions permanentes et spéciales qui sont saisies du texte.
L’Assemblée nationale discute et vote les lois
Les députés sont au centre de la discussion des lois en séance plénière :
- Ils discutent en séance plénière les projets et propositions de loi, posent des questions écrites et orales au gouvernement.
- Ils proposent des amendements au texte, concurremment avec le gouvernement et la commission initialement saisie.
- Le texte fait « la navette parlementaire », c’est-à-dire qu’il est transmis au Sénat après sa première lecture devant l’Assemblée nationale. Celui-ci doit l’approuver dans les mêmes termes. À défaut, le texte retourne devant l’Assemblée nationale qui le transmet à nouveau au Sénat. Au terme de deux lectures devant chaque assemblée, si les députés et sénateurs ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le texte, une commission mixte paritaire est mise en place, comprenant sept députés et sept sénateurs, chargés de trouver un compromis. À défaut, l’Assemblée nationale imposera sa version finale.
- Les députés votent enfin le projet de loi. En principe, le vote est personnel, mais les députés présents votent souvent au nom de leurs collègues (ils tournent les clés des boîtiers électroniques de vote). Afin d’écarter les amendements trop nombreux et trop éloignés de la version initiale du texte, le gouvernement peut utiliser la procédure du vote bloqué (article 44-3) consistant à demander à l’Assemblée de se prononcer par un vote unique sur tout ou partie du texte dont le gouvernement n’a retenu que les seuls amendements qu’il agrée, au lieu de voter amendement par amendement.
- 60 députés peuvent saisir le Conseil constitutionnel afin de faire examiner une loi votée qui serait incompatible avec les principes constitutionnels.
Depuis la réforme du 23 juillet 2008, le rôle du Parlement (pas seulement l’Assemblée nationale) a été renforcé dans sa dimension législative. En effet :
- Un référendum portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai (fixé par la loi organique), le Président de la République la soumet au référendum.
- La loi prévoit désormais l’institution d’un partage de l’ordre du jour entre le gouvernement et le Parlement : chaque assemblée (Assemblée nationale et Sénat) aura la maîtrise de la moitié de son ordre du jour, deux semaines sur quatre étant réservées à l’examen des textes gouvernementaux et un jour de séance par mois étant réservé à l’ordre du jour fixé par l’opposition.
- La loi donne désormais « du temps » aux parlementaires pour examiner les projets de loi. En effet, à moins d’une procédure d’urgence, la discussion en séance d’un projet de loi en première lecture ne pourra intervenir qu’au bout d’un mois après son dépôt et, dans la seconde assemblée, 15 jours après sa transmission. Le texte débattu en séance publique sera celui issu des débats de la Commission qui en a été saisie et non plus celui du gouvernement.
- Le texte discuté en séance plénière n’est plus le projet du Gouvernement. C’est le texte issu des travaux de la commission. Cette disposition (article 42) ne concerne pas les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que les projets de révision de la Constitution. Cette disposition signifie que le gouvernement devra désormais soutenir activement son texte devant les commissions.
En cas de désaccord entre la commission et le gouvernement sur le texte proposé et consécutivement en cas d’adoption d’un texte du gouvernement réformé par la commission, il sera plus difficile pour le gouvernement de faire adopter en séance plénière un amendement pour retrouver la mouture initiale de son texte. Il est en effet plus facile de défendre la version initiale en séance plénière et de repousser les amendements (comme c’était le cas avant la réforme) que de demander l’adoption d’un amendement venant modifier le texte amendé par la commission. Ainsi, le rôle des commissions est sur ce point incontestablement renforcé.
Un rôle de contrôle
Le contrôle du gouvernement
Dans un régime parlementaire, le gouvernement est soumis au contrôle du Parlement qui lui accorde sa confiance. Vient-il à perdre celle-ci, le gouvernement doit démissionner. C’est le cas dans la Ve République, dont il faut souligner qu’il emprunte à la fois au régime présidentiel et au régime parlementaire : si le Parlement lui retire sa confiance, il doit démissionner. Il faut étudier trois hypothèses dans lesquelles le gouvernement met en jeu sa responsabilité devant le Parlement.
- L’application de l’article 49-1 de la Constitution. Il s’agit de la question de confiance posée par un gouvernement au Parlement, qui intervient lorsque le gouvernement cherche à obtenir l’assentiment du Parlement sur la déclaration de politique générale. La procédure n’est pas obligatoire : un gouvernement nouvellement formé pourrait se dispenser de la formalité. Mais il va de soi que ne pas poser une telle question de confiance reviendrait à estimer l’Assemblée déjà hostile au programme, ce qui ne manquerait pas de compliquer les relations à venir entre exécutif et législatif. La confiance est accordée à la majorité des suffrages exprimés et le refus de la part de celle-ci d’accorder sa confiance provoque automatiquement la démission du gouvernement. Un tel cas ne s’est pas encore produit dans l’histoire de la Ve République.
- L’application de l’article 49-2 de la Constitution. Il s’agit de la motion de censure spontanée. Contrairement à l’hypothèse précédente, ce sont les députés qui, cette fois, prennent l’initiative. Le dépôt d’une motion de censure doit réunir des députés signataires représentant au moins 10 % de l’ensemble des membres de l’Assemblée nationale. Après un délai de 48 heures, le vote est organisé : si la motion de censure est adoptée à la majorité des membres composant l’Assemblée (289 voix sur 577), le gouvernement doit démissionner.
Il convient de souligner que cette procédure est contraignante pour les parlementaires : ils doivent certes d’abord réunir 10 % des voix pour déposer une motion, ce qui reste du domaine du possible, mais surtout ils doivent ensuite réunir la majorité absolue des voix des députés. Autrement dit, les abstentionnistes sont supposés soutenir le gouvernement et c’est donc aux auteurs de la motion d’apporter la preuve, avec une majorité absolue de voix, que le gouvernement ne dispose plus de la confiance du Parlement.
De plus, afin d’assurer un certain rationalisme parlementaire, il n’est pas possible pour un même député de signer plus de trois motions au cours d’une session ordinaire : à lui de bien choisir. Ce dispositif a pour ambition d’éviter toute guérilla incessante parlementaire à l’égard du gouvernement en responsabilisant les députés. La somme de ces contraintes aboutit à un résultat logique : depuis la fondation de la Ve République, un seul gouvernement, celui de Georges Pompidou a été renversé par une motion de censure spontanée, en 1962.
- L’application de l’article 49-3. Il s’agit de la motion de censure provoquée. Dans cette dernière hypothèse, le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement sur un texte, qui est adopté si aucune motion de censure n’est adoptée par les députés dans les 24 heures. Comme pour l’article 49-2, les députés souhaitant déposer une motion doivent représenter 10 % de l’ensemble des membres de l’Assemblée nationale et la motion n’est adoptée qu’à la majorité des membres de celle-ci (289 voix sur 577), entraînant dès lors la démission du gouvernement.
La procédure, bien que souvent dénoncée par les députés, est maintenant souvent employée : elle s’inscrit là encore dans le fil du rationalisme parlementaire, permettant au gouvernement de passer outre les longueurs et les tergiversations des députés, dès lors que le jeu en vaut la chandelle, c’est-à-dire que le texte à adopter justifie la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement. Jusqu’à présent, malgré une utilisation finalement fréquente – à près de 80 reprises – aucune motion déposée n’a réussi à recueillir la majorité des voix. Le procédé permet bel et bien de rationaliser la vie parlementaire lors de législature à la majorité faible, telle que le démontre l’utilisation massive de l’article 49-3 lors du gouvernement Rocard (près d’une trentaine de fois), qui ne pouvait pas s’appuyer sur une Assemblée majoritairement socialiste.
La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 est venue limiter la possibilité pour le gouvernement de forcer le Parlement, revalorisant par là son rôle. En effet, le recours à la procédure de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui permet l’adoption d’un texte sans vote dès lors qu’une motion de censure n’est pas votée, est désormais limité aux votes sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale et ne pourra concerner qu’un seul texte par session.
Le contrôle de l’application des lois et des institutions
Il se fait de plusieurs manières :
- Par les questions écrites. Les députés peuvent interroger par écrit tout ministre, qui dispose alors d’un délai d’un mois pour répondre. Ce moyen d’information n’est pas négligeable au regard de la quantité de questions posées, environ 15 000 par an.
- Par les questions orales. Celles avec ou sans débat sont en fait préalablement déposées par écrit et inscrites à l’ordre du jour. Les « questions au gouvernement » sont une toute autre catégorie de questions : elles sont véritablement spontanées et posées au commencement de deux séances par semaine. Elles concernent souvent les questions d’actualité.
- Par les commissions d’enquête. Elles ont pour objet de collecter toute information relative à un fait précis ou à la gestion d’un service public. Elles comprennent des membres de chaque groupe parlementaire, proportionnellement à leur importance. Elles sont créées par une résolution adoptée à la majorité des députés. Leur mission est limitée à six mois. Leur pouvoir est néanmoins limité car il n’est pas possible de créer de commission d’enquête relative à un fait donnant déjà lieu à une information judiciaire.
La réforme du 23 juillet 2008 a renforcé le pouvoir de contrôle du Parlement en matière d’interventions armées. En effet, le gouvernement doit informer le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.